Benoît Soury, pilier du XV de France du bio

À l’heure où la bio toute entière traverse une période mouvementée, le Directeur du Marché Bio Groupe de Carrefour plaide l’unité comme moteur de la reconquête des consommateurs.

Nombreux sont ceux qui rentrent dans la bio comme dans les ordres, par vocation, par absolu. Pas Benoît Soury, qui n’a pas cherché à aller vers la bio, mais quand celle-ci est venue à lui il y a 30 ans et l’a happée, c’était pour ne plus jamais la quitter. « J’ai été approché par un cabinet de chasseurs de têtes qui cherchait un Directeur Général pour Distriborg, notamment propriétaire de la marque Bjorg. J’ai été séduit par le projet d’entreprise, appartenant à son fondateur, mais également par la nature des produits avec un cahier des charges et des normes très exigeantes. La complexité du projet alors que nous étions aux prémices du bio en GMS m’a convaincu ».  

Sa carrière suit la même courbe ascendante que le bio pendant deux décennies : d’abord patron de la distribution spécialisée de Distriborg (avec les marques Bonneterre et Evernat) de 1994 à 2002, il va ensuite saisir l’opportunité de s’associer pour racheter la vie Claire, dont il va accompagner l’essor jusqu’à en faire le 2ème réseau de France. Nous sommes alors post scandale de la vache folle et le rapport des français à l’alimentation change avec une forte angoisse sanitaire : « On voyait les familles faire face aux dérives d’une alimentation trop transformée qui voulaient trouver des produits plus sains en circuits plus courts avec des entreprises à caractère familial. En face, les agriculteurs étaient aussi désireux de produire et nourrir autrement. Nous étions alors dans une boucle très vertueuse : chaque création de magasin s’accompagnait d’une demande consommateur très forte. Nous faisions même face à des pénuries de matières premières ! En quelques années, nous sommes passés de 0,5% de la surface agricole utile (SAU) à 8 ou 9%. La volonté des consommateurs de préserver d’abord leur santé, puis la planète, a accompagné ce mouvement ».  

L’aventure s’arrête – pas de son fait – en 2018 et Benoît croise alors la route des dirigeants de Carrefour qui sont en pleine mutation sur le sujet. Un an plus tôt, ils se donnaient comme nouvelle ambition « la transition alimentaire pour tous » et la volonté d’être un leader européen du bio. « Je suis rentré chez Carrefour avec l’ambition de co-construire, avec nos équipes marchandises, la marque Carrefour Bio et en faire un leader européen. Aujourd’hui avec ses 1200 références, la marque Carrefour Bio est la première marque bio en France,  mais aussi en Belgique, Espagne, Italie… L’essentiel, qui n’est pas assez connu du public, est que nous l’avons fait en investissant sur le long-terme aux côtés de 4 500 agriculteurs. Cela fait de nous le premier financeur du monde agricole bio ». La contractualisation, concrètement, convertit en une année des dizaines de producteurs de lait du centre de la France, associés à des embouteilleurs, leur garantissant ainsi des débouchés pour des millions de litres sur 3 ans.

Quand certains opposent de façon artificielle bio ou local, Carrefour choisit les deux, avec 100% des fruits et légumes bio hors agrumes et 100% origine France, idem pour la viande bio. Des fondamentaux qui perdurent malgré une crise sévère pour le bio et face à laquelle Benoît Soury affiche un optimisme empreint de réalisme : « nous sommes le seul pays à l’équilibre entre production et consommation. Notre marché est né de la volonté commune des producteurs et consommateurs. Bien sûr, quand vous avez 8% d’inflation et 20% d’inflation alimentaire, il y a des choix qui sont faits sur ce segment. Cela nous a fait perdre les jeunes, les occasionnels et ceux pour qui le choix du bio était un luxe. En outre, tout un tas de concurrents avec des cahiers des charges privés (comme zéro pesticides, et autres) ont brouillé la perception du grand public, ce qui n’aide pas. Pour autant,  Carrefour veut continuer à créer, développer et racheter des magasins. En outre, quand on interroge les consommateurs, leur aspiration à manger mieux et sain reste forte même s’il y a un delta entre aspiration et capacité. Mais notre noyau dur est resté fidèle ». Une manière de dire que le plus dur est passé et que les saines alliances entre producteurs et consommateurs responsables vont repartir de l’avant.