Parlez-nous de votre parcours dans l’agriculture biologique. Est ce que le métier d’agricultrice bio a évolué depuis vos débuts ?
J’ai toujours souhaité être agricultrice. Mon Père était éleveur dans les Vosges et j’allais régulièrement l’aider. Quand il est passé en bio en 1991, j’ai su très rapidement que c’était ce que je voulais faire; paysanne bio pour respecter les Femmes et Hommes, les animaux et bien sûr l’environnement, le sol, l’air, l’eau, la biodiversité, etc.
Au début les bio étaient considérés, dans le milieu agricole, comme des “arriérés”, des rétrogrades. Maintenant c’est plutôt l’inverse, ils sont reconnus comme avant-gardistes et très forts techniquement. Je suis installée en bio depuis 1998 et très fière d’être éleveuse bio depuis 23 ans.
Je m’investis également beaucoup dans le réseau des productrices et producteurs bio de la FNAB pour faire entendre notre vision de l’agriculture et de la bio et faire évoluer les politiques agricoles de la France et de l’Europe. J’en ai été la Présidente de 2013 à 2018.
En tant que femme, avez-vous été confrontée à des difficultés ? Ou au contraire, est-ce que cela vous a aidée ?
La place des femmes en agriculture n’est pas forcément facile. C’est un milieu très masculin et très patriarcal. Quand nous conduisons un tracteur et qu’en plus on a un engin derrière, nous sommes regardées comme des extra-terrestres, comme si nous ne serions pas capables de le faire.
Le pire je crois, pour la plupart des femmes agricultrices, c’est, quand un commercial ou un technicien (car là aussi ce sont souvent des hommes) vient sur nos fermes et demande: “où est le patron”, comme si nous ne pouvions pas être nous même patronne. C’est particulièrement agaçant!
Autre exemple : le matériel agricole est construit par les hommes pour les hommes, il est donc parfois très difficile à manipuler ou utiliser.
Il est donc nécessaire et urgent que le milieu agricole évolue et change de regard sur les femmes agricultrices car elles sont de plus en plus nombreuses à être cheffes d’entreprises agricoles.
Comment les femmes peuvent-elles être motrices dans ce secteur (Prendre la tête de structures, être au cœur de l’évolution de la filière, transmettre et communiquer sur ce métier…) ?
En 2017, la FNAB, avec le soutien de l’Agence bio, a fait une enquête auprès des femmes agricultrices bio. Elles sont souvent à l’initiative du passage en bio dans les fermes, à la fois parce qu’elles sont très sensibles à la santé de leur famille mais aussi sensibles aux enjeux environnementaux. Par ailleurs ce sont majoritairement elles qui assurent le travail administratif et comptable des fermes et sont donc au fait de la situation économique des fermes.
Enfin ce sont souvent les femmes qui sont créatrices de nouveaux ateliers sur la ferme, notamment pour recréer plus de lien avec les consommateurs-trices et leur expliquer ce qu’est l’agriculture biologique;
Comment voyez-vous la place des femmes évoluer dans ce secteur ? Quelle place imaginez-vous pour les femmes dans l’agriculture biologique de
demain ?
Demain les femmes agricultrices seront de plus en plus nombreuses; il y a beaucoup de femmes qui choisissent l’agriculture bio dans le cadre d’une reconversion professionnelle pour donner plus de sens à leur métier. A la FNAB nous essayons d’œuvrer pour qu’elles soient de plus en plus nombreuses à prendre des responsabilités syndicales ou politiques, pour apporter leurs visions de l’agriculture et faire évoluer cette dernière vers la transition agricole et donc la bio
Parlez-nous d’une femme que vous trouvez inspirante et qui soit actrice de l’agriculture biologique !
Vandana Shiva bien sûr! C’est une femme remarquable qui a créé un mouvement de lutte contre Monsanto et les OGM en Inde en se réappropriant des semences paysannes ; cela donne de l’indépendance et de l’autonomie aux paysannes indiennes. Elles peuvent nourrir leurs familles sans devoir à acheter des semences OGM ni des pesticides ; elles gagnent ainsi beaucoup mieux leur vie tout en respectant la nature.