Margot Lecarpentier, ou quand le bio s’invite dans les cocktails

En 2017, peu misaient sur un bar à cocktails tenu par des filles dans le quartier de Belleville, à Paris. Aujourd’hui, Margot Lecarpentier est reconnue comme une des grandes mixologues françaises… et elle fait entrer les produits bio dans le monde de la nuit. Un combat encore jeune, mais qu’elle mène avec un sourire résolu.

La rue de Belleville est bien connue des joueurs de Monopoly. Mais y avez-vous déjà fait un tour ? C’est une rue en pente, pleine de vie, de restaurants et de bars. Au n°63, depuis 2017, on y trouve un bar à cocktail. Son nom ? « Combat ». C’est qu’il n’a pas été facile pour Margot Lecarpentier de convaincre des partenaires pour se lancer dans une telle aventure avec une équipe entièrement féminine ! Sept ans plus tard, on peut parler de succès : l’équipe compte aujourd’hui 6 personnes qui servent tous les soirs des cocktails avec ou sans alcool à une clientèle éclectique. Un vrai lieu de vie, ouvert sur la ville, pour siroter un étonnant Lhassa (cachaça, grenade, amer cassis, pin, citron et stracciatella) ou une Margarita maison avec un trait de camomille…

Sur le trottoir d’en face, on trouve un magasin Biocoop. Chez Combat aussi, tout ou presque est bio – mais rien sur la carte ne l’indique. C’est que, pour Margot Lecarpentier, le bio n’est pas n’est pas un argument : c’est une évidence.

De la campagne normande à la nuit parisienne

« Le bio, je suis née dedans, explique la jeune femme. Je viens de la campagne normande, et ma mère faisait ses courses dans les épiceries bio avant même que n’arrivent les enseignes. Des légumes bio, du pain au levain et du vrac, c’est toute mon enfance ! »

Comment est-elle passée de ce monde rural à la nuit parisienne ? C’est d’abord une passion pour la musique qui l’amène à Londres, où elle découvre les cuisines du monde. Puis à Paris, elle découvre la culture du bistrot. Puis c’est l’imprévu, comme une carte Chance au Monopoly : son appartement parisien est cambriolé. Elle décide de repasser par la case Départ. Ce sera New-York, cette ville qui ne dort pas et où le cocktail est roi. Adieu l’industrie musicale, décide-t-elle : elle rentre en France, décidée à démocratiser la culture du cocktail.

Elle fait ses premières armes à l’expérimental COCKTAIL club , et saute le pas dès qu’elle se sent prête « à devenir sa propre patronne, pour pouvoir être intransigeante sur [mes] choix. »

Trouvailles et cocktails

Dans ce parcours, une rencontre se révèle déterminante : Sylvain Grundlinger, le « petitiste » de Trouvailles & Terroirs , dénicheur de produits bio aux saveurs exceptionnelles. « Au départ, il était venu présenter un sirop d’érable à l’Expérimental. Le lien ne s’est jamais perdu ensuite », raconte Margot.

Quand Margot crée Combat, Sylvain Grundlinger la suit dans l’aventure. Il inspire même un de ses cocktails « signature » : l’Impécâpres (tequila, câpres, Suze, noix, vermouth blanc, citron). Il lui fournit régulièrement herbes, fruits, et vinaigres de cidre ou de fleur de sureau bio. Ses trouvailles inspirent parfois à la mixologue passionnée des idées nouvelles. « Un jour, il m’a fait goûter des petits pois qu’on mangeait comme des bonbons. Et quand j’ai croqué dans la cosse, en sentant le jus, j’ai su qu’il pouvait s’intégrer dans un cocktail… »

A la carte de Combat, tout est bio, ou presque. Le « presque », c’est la marque d’une honnêteté radicale. « Le citron est un ingrédient essentiel dans de nombreux cocktails, mais en janvier ou février, c’est compliqué d’en trouver en bio… » Pour trouver de l’acidité, Margot a volontiers recours à du verjus de raisins cueillis avant maturité : inventer, toujours ! Et tout préparer sur place – c’est aussi ça, l’esprit de Combat.

Au-delà du bio : l’éco-responsabilité

Margot Lecarpentier le reconnaît volontiers : le bio n’est guère présent aujourd’hui dans l’univers de la mixologie – particulièrement dans les alcools forts, lesquels n’indiquent que très peu leur composition. Il en existe pourtant des certifiés AB, ouf !

Mais on n’aurait rien compris si on pensait que la démarche de Margot Lecarpentier s’arrête à la certification. « Nous cherchons à être éco-responsables dans tout ce que nous faisons, explique-t-elle. Ce n’est pas toujours simple, notamment pour le zéro-plastique, mais on s’y tient ». Parmi les engagements ? Des couverts réutilisables, donc, mais aussi du vrac (y compris pour les spiritueux), des savons solides, pas de serviette en papier, pas de produit chimique… et une chasse au gaspi qui nourrit aussi la créativité. « On essaie de tout réutiliser ! Découper des feuilles de figuier pour la déco des cocktails et garder les chutes pour une liqueur, par exemple. Ou faire infuser des feuilles de clémentines dans du gin et préparer un cordial avec les fruits… » 

#Tutopicole, la mixologie pour toustes

Margot Lecarpentier partage toutes ces idées sur son compte Instagram, où elle a développé depuis le confinement de 2020 le #tutopicole. « J’avais mis à infuser des noix de macadamia dans un alcool. Je l’ai partagé en story, et les demandes de tutos ont afflué très vite. Alors j’ai continué… »

Très suivie sur les réseaux sociaux, elle l’est aussi dans son milieu professionnel. Elle est ainsi devenu cheffe mixologue du groupe Alain Ducasse – et on peut la retrouver les jeudis soirs, au bar de l’hôtel Meurice. Après tout, au Monopoly, tout se finit-il pas en hôtels ? Sauf que Margot Lecarpentier n’en est qu’au début de sa partie, et qu’elle n’aime rien tant que changer les règles. Pour inclure tout le monde, donner de la joie à la nuit comme au jour, avec ou sans alcool… et en bio, évidemment.