« Les cultures, c’est comme pour les neurones. Plus il y en a, plus les interactions entre elles sont nombreuses et permettent de développer l’intelligence. Un écosystème complexe génère toujours une intelligence collective globale. C’est de là que vient la résilience du vivant ! ». François Duveau a créé sa propre entreprise de plantes médicinales bio, Adatris, en Anjou, pour développer la filière française de tisanes et infusions, et surtout restaurer la biodiversité. Acteur économique du champ au sachet, il plaide pour l’importance de produire dans des paysages variés et complexes.
Jusqu’à l’âge adulte, François Duveau n’est pas allé tellement plus loin que la ferme de ses parents, effectuant juste les 3 km le séparant de son internat. Là-bas, il faisait partie des trois seuls externes, les trois enfants d’exploitants agricoles qualifiés de « paysans » par les autres élèves, un mot employé de façon très négative et qui lui donnait des envies d’ailleurs. Chaque semaine, l’adolescent regardait à la télé l’émission de Jean-Marie Cavada « La Marche du siècle » qui parlait d’événements lointains, exotiques. Il se promit de partir loin dès que possible.
Il bifurque finalement vers un BTS agricole pour comprendre ce que son père vit professionnellement. « Je l’ai vu travailler dur, tout le temps, et pourtant il a passé toute sa vie endetté. Ce BTS m’a permis de comprendre la dure réalité entrepreunariale des agriculteurs, avec de la gestion des risques et des problématiques de rentabilité plus complexes qu’ailleurs. J’ai fini par un cursus d’ingénieur à l’ESA d’Angers qui m’a envoyé en Angleterre, en Espagne et au Brésil ».
De retour en France, il croise Yves Beaupère, un des co-fondateurs de Biolait qui lui dit « on ne naît pas bio, on le devient ! ». Travaille chez un agriculteur qui cultive des plantes médicinales en Beauce. Et là, le déclic. « Je faisais de l’import-export. Pour la première fois, je sentais que mon métier intéressait les gens, ils me demandaient tous si c’était bio. Je répondais que non, en expliquant ce qu’on m’avait inculqué en cours, que les plantes ont besoin de médicaments pour bien grandir, donc non, ça n’était pas bio. En discutant avec mes proches tous m’ont confirmé qu’il y avait là un hiatus : ils boivent des infusions et des tisanes pour leur santé, donc ils ne voulaient pas de chimie dedans. En tant que responsable commercial, j’ai demandé à la direction si les clients demandaient du bio. On m’a répondu que oui, mais que c’était cher et pas intéressant de changer. Et ils ont ajouté « de toutes façons, nos clients croient que c’est bio et avec la croyance ils l’achètent au prix qu’on veut ». C’était en 2006. J’ai alors décidé de monter une vraie filière bio française. Je n’imaginais pas tout ce que cela allait impliquer, et comment j’allais changer ! ».
François admet ressentir encore le contre coup de ces dix années pendant lesquelles il a rencontré 315 producteurs (!), aidé plus de 100 à se lancer en bio, vu le contingent du bio se réduire à une dizaine d’irréductibles avant de finalement regrossir pour avoir une filière bio nationale qui existe avec plusieurs opérateurs.
Son entreprise Adatris emploie aujourd’hui 17 salariés qui vont du champ aux sachets de plantes médicinales. Elles sont vendues en vrac pour des grandes maisons d’infusion, ou directement conditionnées pour la marque de Biocoop. Le tout donc, 100% bio, 100% produit en France pour un volume de 200 tonnes de plantes sèches. Dernière pierre à son édifice, voire dernier menhir, Véridix, des infusions certifiées 100% gauloises, cultivées en Anjou Bleu sur les contreforts du Massif armoricain.
Mais au-delà du business, son dada, c’est la biodiversité. D’où les réflexions qu’il mène avec entrepreneurs et chercheurs sur le BiodiScore, outil qui mesure la complexité d’un paysage agricole : « quand tu es un végétal, tout ce que tu peux faire, c’est croiser les doigts pour espérer que ton exploitant va diversifier au maximum ses cultures… mais ça n’est hélas pas toujours le cas. Et pourtant, c’est comme pour les neurones, plus il y en a, plus les interactions entre eux sont nombreuses et permettent de développer l’intelligence. Un écosystème complexe génère toujours une intelligence collective globale. C’est de là que vient la résilience du vivant ! ».