La performance n’a d’importance que si elle collective. Voilà, en substance, le mantra de Jean Verdier, infatigable promoteur de la bio depuis des décennies, tant comme agriculteur qu’acteur de premier plan des fédérations professionnelles de transformateurs..
Fils d’agriculteurs conventionnels, Jean Verdier n’a pas prolongé l’héritage de l’exploitation tout de suite. Il a préféré s’ouvrir de nouveaux horizons possibles pendant ses études, mais l’écologie et l’agriculture se sont rappelées à lui : « en prépa, j’ai assisté à une conférence de René Dumont qui m’a sensibilisé à la faim dans le monde et cela a orienté mes études d’ingénieur, avec une thèse sur les pesticides et leurs métabolites. Alors, je pestais car on parlait trop souvent des fongicides, que l’on savait pourtant cancérigènes, comme « non dangereux » et je me suis dit que je voulais œuvrer à faire différemment ».
Après des débuts chez Vitagermine, comme directeur des titres, il est rattrapé par le virus entrepreunarial « un agriculteur est un entrepreneur » aime-t-il rappeler en 1984 et se lance dans le bio en Aquitaine. Il créé, Naturgie et reprend Favols en se lançant dans les confitures bio sans sucre 100% fruits. Le fait que le bio soit alors embryonnaire ne l’impressionne pas, et rapidement, il rencontre non pas des clients, mais des consommateurs : « le « faire avec » commence avec eux, nous partagions des expériences nutritionnelles, nous échangions sur leurs besoins. Nos vies quotidiennes modernes ont besoin de transformation alimentaire, car tout le monde n’a pas des fruits frais au réveil, mais cela n’exclut pas d’utiliser des produits bio, sains et haut de gamme gustativement ». Et c’est en échangeant avec celles et ceux qui mangent ces productions qu’il innove en passant à l’épicerie fine avec des chutney et autres variations vers l’aigre doux et le sucré salé qu’il commercialise dans les magasins spécialisés bio. Quid de la grande distribution ? « Je suis sceptique. Ils ont opportunément pris le pli de la bio à une époque et cela a d’ailleurs fait leur croissance, mais dès qu’il y a un coup de Trafalgar, ils n’insistent pas trop pour défendre… Mais ça n’est pas grave : je vois là d’où on vient et 5/6% de la consommation globale, c’est un premier jalon et on sait où l’on va ».
Et ce chemin, il ne le fait pas seul. Ni comme agriculteur, ni comme militant professionnel, lui qui a présidé pendant 15 ans le SYNABIO : « j’aime le jeu collectif ! Un entrepreneur anime des équipes et il me semblait naturel d’en faire de même dans des organisations professionnelles qui pèsent peu face au reste des producteurs. Cette modestie de la taille nous pousse à l’union, y compris dans des secteurs très différents, et c’est tant mieux ».
Pour boucler la boucle collective, Jean Verdier vient d’accepté de présider le conseil de surveillance de Solidarmonde, entreprise pionnière du commerce équitable avec les pays du Sud : « pour toutes les denrées qui ne poussent pas chez nous, dites « exotiques », il y a une vraie nécessité à faire progresser les producteurs locaux en leur offrant une juste rémunération et à importer ces valeurs–là en Europe. Notamment la contractualisation pluri-annuelle, essentielle pour notre souveraineté alimentaire ! ». Le bientôt septuagénaire a conservé une énergie de gascon grâce à son allant pour le collectif et usant de son expérience qu’il distille volontiers « quand j’ai commencé ma carrière, on avait une inflation à 13% et les prix bloqués, alors la période actuelle ne m’effraye pas ! Je veux transmettre mon expérience et mes conseils à tous les jeunes qui veulent s’installer tant dans la production que de la transformation de la bio tout en restant dans l’action opérationnelle ». Continuer à distiller des passes décisives bio, en somme.