Valentin Ceze, pour une alimentation positive : la bio relève le défi

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Depuis dix ans, les défis « Foyer à Alimentation Positive » (FAAP) sensibilisent chaque année plusieurs centaines de familles pour consommer plus de bio sans alourdir le budget alimentaire et sont pilotés par le GAB 56 et GAB 44. Une démarche de plus en plus tournée vers les publics en situation de précarité, nous explique Valentin Cèze, chargé de mission à la FNAB, qui pilote l’opération.

L’idée est née en Rhône-Alpes, en 2012. Le principe ? Plusieurs équipes d’une dizaine de foyers (avec ou sans enfants) relèvent ensemble le défi d’augmenter leur consommation de produits bio locaux tout en conservant un budget constant… et en se faisant plaisir.

La première expérience fut un succès, et l’essaimage s’est fait naturellement, avec une formule éprouvée qui s’adapte à chaque territoire. L’impulsion de départ est toujours donnée par une structure locale (collectivité, CCAS, communauté de communes…) avec le GAB (Groupement d’agriculteur-ices biologiques) local. Des structures relais recrutent les foyers volontaires pour participer au défi… Et c’est parti pour 6 à 8 semaines en moyenne, avec une recette qui a fait ses preuves : une soirée d’ouverture, suivie d’un temps fort tous les 15 jours environ :visite de ferme bio, cours de cuisine, atelier anti-gaspi… Pendant tout ce temps, chaque foyer note avec précision ses achats alimentaires, pour pouvoir dresser le bilan lors de la soirée de clôture conviviale, où les participants partagent leurs recettes. Si les équipes ont réussi à manger mieux sans augmenter leur budget, c’est gagné !

Une dynamique au-delà de l’opération

En 2023, 24 défis FAAP ont été organisés dans 12 départements, avec un peu plus de 600 foyers inscrits. « Nous n’avons pas la force de frappe de grands acteurs, mais sur chaque territoire où nous intervenons, nous faisons tout pour créer une vraie dynamique positive autour de l’alimentation bio », explique Valentin Cèze, chargé de mission Alimentation et Commercialisation du bio à la FNAB.

Originaire des Hautes-Alpes et connaisseur du milieu agricole, le jeune homme a fait ses premières armes professionnelles dans une association d’aide alimentaire appuyée à une entreprise de l’ESS de récupération d’invendus. Et il reconnaît volontiers n’avoir pas toujours été un militant de l’agriculture biologique. « Comme beaucoup de monde, je manquais d’information sur le sujet, dit-il, avant d’ajouter dans un sourire : Au fond, j’aurais été un parfait candidat pour les défis ! » Désormais converti, il loue avec verve l’importance de la bio pour les consommateurs, les producteurs et les territoires. Et il sait que les défis FAAP peuvent créer le même genre de déclic. « L’objectif est de réussir le défi, et de changer les pratiques de plusieurs foyers sur un même territoire. Mais l’idéal est surtout de faire de nos participants des ambassadeurs, bien après l’opération ! » Un défi après le défi, en quelque sorte ; avec de vraies chances de succès. « Nous n’avons pas de données sur l’écho que peuvent avoir nos opérations [un travail est en cours sur ce point avec des universitaires], mais nous savons qu’ils en parlent autour d’eux pendant le défi ; et qu’il y a généralement une vraie fierté des résultats. »

Achats bio en hausse, à budget (presque) constant

Achats bio en hausse, à budget (presque) constant

Les résultats, parlons-en !

Depuis 2012, les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 2000 participants, 17 points d’achats bio en plus dans la ventilation des courses (dont +11 pour le bio local)… et une augmentation du budget alimentaire de seulement… 0,04€.

Pour les défis de 2023, la réussite est plus éclatante encore sur la maîtrise du budget : le panier moyen des repas est en effet passé de 2€ à 1,60€ – avec un « panier bio local » en hausse de 8 points. Le tour grâce aux actions de sensibilisation, mais aussi à l’entraide entre participants.

« Il y a une vraie émulation, entre les équipes et au sein de chaque équipe », se félicite Valentin Cèze. Émulation et non compétition, cela n’aurait aucun sens. Même si la coopération n’empêche pas d’éprouver la fierté d’avoir obtenu le meilleur score.

Au défi des foyers les plus précaires

Et si, comme le veut l’adage, on ne change pas une formule qui gagne, les GAB ont été eux aussi mis au défi. Depuis plusieurs années, en effet, les partenaires institutionnels sollicitent de plus en plus souvent le réseau pour réaliser des opérations avec des populations en situation de précarité, ou sur des territoires où manger bio est encore tout sauf un réflexe. Le XVIIIe arrondissement de Paris, par exemple.

« C’est une demande des collectivités locales au départ, note Valentin Cèze, mais c’est aussi une préoccupation croissante pour les agriculteurs bio, qui veulent montrer qu’ils s’adressent à tout le monde et pas seulement à une population aisée ».

Ainsi donc, chaque mois, un peu partout sur le territoire, des agriculteur.ices sensibilisent, échangent, démontrent. Et des familles apprennent à penser leurs courses autrement, cuisiner des produits bruts, inventer de nouvelles recettes…

Ouvrir des perspectives

Et tandis que de nouveaux défis FAAP se préparent pour 2024, la FNAB développe ou soutient d’autres opérations qui permettent de « décloisonner le bio » et de lever les freins qui subsistent à son adoption par de nouveaux consommateurs. A l’image de la douzaine de projets proposés par les GAB dans le cadre du programme « Mieux manger pour tous », ou de l’opération P.A.N.I.E.R.S, dans les Hauts-de-France, où la distribution de paniers bio s’accompagne d’ateliers de sensibilisation ou de formation. 

Les GAB 44 et 56 assurent respectivement la gestion du site internet des Défis FAAP (https://www.foyersaalimentationpositive.fr/) et l’accompagnement “technique” à la structuration d’un défi. La vraie nouveauté en 2024 est l’arrivée du GAB 44 dans la coordination des foyers, le GAB 56 étant depuis longtemps au coeur du dispositif, notamment pour accompagner les chargé-es de mission des GAB qui lancent pour la première fois un défi sur leur territoire. 

Autant de petits cailloux posés sur la route de projets plus ambitieux ou la refonte du système agricole et alimentaire français à laquelle la FNAB travaille via le collectif Nourrir. « Ce qui m’a marqué avec la bio, en plus de ses bienfaits pour les consommateurs, les paysans et l’environnement, c’est la force et le dynamisme du réseau », souligne Valentin Cèze, qui conclut en rappelant qu’il serait temps, pour tous les acteurs de la filière, de faire enfin respecter loi Egalim sur la restauration collective : « C’est essentiel, et pas seulement pour une question de débouchés économiques ! assure-t-il. Car le bio va bien au-delà. »

Voilà ce qu’on appelle la foi des convertis.