L’alimentation saine est le sujet de Carole Galissant depuis l’enfance, elle a longtemps cherché le moyen d’avoir le plus d’impact possible pour transmettre sa passion. Persuadée que seule on va moins loin, elle conjugue sa carrière au collectif, tant dans ses engagements syndicaux au SNRC (syndicat national de la restauration collective) que chez Sodexo où l’intitulé de son poste lui-même est tout un programme : directrice transition alimentaire et nutrition.
Après avoir hésité entre le monde de l’enseignement et le monde de la nutrition, la prévention Santé par le biais de l’alimentation saine et durable devient une évidence pour Carole. « Faire prendre conscience à tous qu’une bonne santé passe par l’assiette, et ce, à tout âge. »
Débute alors sa découverte du monde de la restauration collective, à Villepinte. Portée par la volonté de la ville et avec le soutien de l’Education Nationale, elle initie les enfants de maternelles et de primaires aux enjeux d’une alimentation équilibrée. Durant 10 ans, en les voyant régulièrement plusieurs fois par an et en créant leurs repas, elle affine ses connaissances sur les attentes nutritionnelles des enfants : « Ma rencontre avec Nathalie Politzer, Jacques Puisaye et Patrick Mc Leod, fondateurs de l’Institut du goût a changé ma vision de l’alimentation du jeune enfant. A leurs contacts j’ai appris à penser le temps du repas autrement. Après leurs enseignements, ce n’étaient plus les mêmes menus ni les mêmes recettes que je concevais : pour un enfant de trois ans, il faut faire attention à la couleur, à la texture et à ne pas avoir d’aliment non identifiable pour éviter toute forme de néophobie. Grâce à eux mon credo est devenu : la gourmandise changera peut-être le monde ».
La constance est depuis le maître mot de Carole : 29 années de présence en restauration collective et déjà plus de 10 ans d’engagement syndical au sein du SNRC. Dans les deux cas, une même envie de changer les choses de l’intérieur, mais aussi pour l’extérieur :« je voulais faire bouger les lois, protéger les femmes et les hommes œuvrant au quotidien pour bien faire manger nos divers consommateurs et qui pâtissent de l’image négative de leurs métiers. Pour moi, c’est une bouffée d’oxygène avec une approche très holistique. Par ailleurs, même si j’exerce dans une entreprise, il me semble que les sujets sur lesquels nous travaillons, ne doivent pas, ne peuvent pas être soumis aux règles concurrentielles : la qualité de la nourriture, la lutte contre le gaspillage relèvent de l’intérêt général, pas de la concurrence ».
Désormais directrice transition alimentaire et nutrition et grâce aux engagements de Sodexo dans l’alimentation durable, Carole Galissant inscrit son action dans le temps long.
« Les grandes entreprises ne doivent pas traiter le bio au coup par coup, de manière opportuniste : il faut une stratégie pluriannuelle. Cela commence par sécuriser les revenus des agriculteurs qui s’engagent : nous avons signé des contrats tripartites et pluriannuels avec des producteurs et des distributeurs. Chaque année, on revoit le tonnage et ils peuvent se projeter sereinement, cela nous oblige. Je pense par exemple en Ile-de-France aux lentilles ou encore à la semoule bio en partant du blé dur »
Le bio n’est pas une tocade, mais un axe d’une stratégie durable, avec certains produits stars comme les laitages, les pommes…Et cela mérite, tout comme le plan protéines, un plan pluriannuel sur cinq axes : les produits, les recettes, les menus, la promotion et la formation. C’est le chemin pour respecter EGALIM : si la restauration d’entreprise et les établissements de santé ont une grande marge de progression , les 20% de bio sont atteints dans le scolaire. Cela pourrait être encore amélioré par le bon choix des produits et par un grammage adapté aux types de consommateurs.
« La restauration collective est souvent l’occasion de découvrir un panel d’aliments oubliés ou méconnus comme un potimarron, un panais, un salsifis et aussi les légumineuses … Cela permet d’aider à élargir nos productions, de ne pas faire reposer notre autonomie alimentaire sur quelques plantes ».
Carole Galissant reste persuadée que les entreprises ont un rôle fondamental à jouer dans la transition alimentaire : « Nous devons parvenir à un rééquilibrage de notre consommation en protéines : 50 % protéine végétale et 50 % protéine animale comme le préconisent les recommandations nutritionnelles nationales. Notre action au quotidien peut avoir un impact fort car nous touchons des milliers de mangeurs par jour. Notre stratégie bas carbone va nous obliger à concevoir autrement nos prestations alimentaires : sélectionner des produits les moins impactant pour l’environnement, concevoir des menus plus sobres en consommation d’eau et en énergie pour être en cohérence avec les enjeux environnementaux ». A chacun selon ses responsabilités, en somme. Si l’éducation du citoyen est primordiale, elle pense que cela ne peut suffire :« bien sûr l’éducation alimentaire doit débuter dès le plus jeune âge et être poursuivie tout au long de la vie : goûtons, allons au marché, allons à la rencontre des agriculteurs, cuisinons. C’est essentiel, mais penser que cela suffirait est faux.
L’action doit être collective : nous aussi entreprises devons mettre nos consommateurs au centre d’une offre alimentaire plus vertueuse et plus propre»