Patrick Bergman exotiquement bio

Ses clémentines, kiwis, et désormais citrons et pomelos ravissent les consommateurs français avides de bio français, y compris pour ces produits dits « exotiques ». Un petit miracle répété chaque année pour celui qui a repris l’exploitation familiale en Corse il y a 40 ans. Venu au bio par nécessité économique, il y est resté par conviction écologique. 

Patrick Bergman est attaché à la Corse. Né au Congo Belge, il débarque sur l’île en 1962 avec ses parents qui ont acheté des clémentiniers. Il la quitte pour les lycées agricoles du continent, à Aix en Provence, avant d’y revenir puis de repartir pour son Congo natal – devenu le Zaïre, pour travailler dans le coton et les palmiers à huile. Las, les troubles politiques le ramènent une nouvelle fois vers l’île de beauté en 1984 pour reprendre l’exploitation familiale.

Après un début marqué par la diversification des cultures avec du kiwi et de l’avocat, la concurrence italienne et espagnole met l’exploitation en péril économique. Avec l’aide d’un voisin, Albrecht Von Keyserlingk, féru de plantes aromatiques bio, il s’initie aux vertus d’une autre agriculture.

Aussitôt converti, aussitôt convertisseur : Patrick contacte l’Interbio Corse et y prend des responsabilités. Anciennement président, il en est aujourd’hui vice-président pour consolider la filière locale : « je  me suis occupé de la production et j’ai développé les stations de conditionnement, faute de quoi il n’y a pas de marché possible. Ensuite, pour assurer les approvisionnements, je me suis rapproché d’organisations de producteurs (OP) comme Terre d’Agrumes avec qui nous avons amené plusieurs producteurs à la bio ». Cette filière a grossi au point de représenter aujourd’hui 1 200 tonnes de clémentines, 250 tonnes de kiwis, 400 tonnes de pomelos et 50 de citrons (l’exploitation de Patrick représentant à elle seule 400 tonnes de clémentines et 100 de kiwis). Des volumes importants et qui sont vendus à 99% sur le continent… « Hélas, il n’y a pas de demande en Corse. On fournit quelques magasins spécialisés, mais guère plus. Je ne peux pas compter sur le relais de la restauration car nous n’avons des touristes que l’été au moment où je ne produis plus… Mais j’ai à cœur de développer mes relations locales et je compte y arriver via la restauration collective notamment les cantines scolaires ». Il y a également des tentatives de diversifications à l’export, mais les marchés européens ne sont pas prêts à payer le prix du bio IGP en Corse. Pas de quoi contrarier Patrick qui envisage l’avenir sereinement sous l’auspice de la diversification et de l’augmentation de la demande : « nous nous sommes lancés sur le citron, mais aussi le citron caviar, le pomelo, les oranges blondes et sanguines ou encore l’avocat. Tout cela ces trois dernières années et il en faut plutôt 5 à 10 entre l’année de la plantation et celles de rendements optimaux. Je n’ai pas de doute sur leur écoulement car le bio local est recherché : si nous sommes limités au niveau des clémentines, je pense qu’on peut tripler voire quadrupler les volumes de pomelo et de kiwi ».

Arrivé à la bio par nécessité économique, Patrick y reste par conviction écologique. En devant renouveler ces plantations de kiwis de 1985, il constate l’impact du réchauffement climatique : « nous n’avons plus de températures suffisamment froides pour assurer une dormance suffisante de l’arbre. Quand nous allons renouveler le verger, nous allons devoir nous mettre en quête de variétés qui ont besoin de froid. C’est ça qu’on vit aujourd’hui, comme les limitations hydriques avec deux jours par semaine où arroser est interdit. Il faut de la bio et du local car la mondialisation amène des parasites qui causent de graves dégâts. La bio, c’est le meilleur mode de production pour la santé de la planète comme celle des humains, voilà pourquoi je suis un militant de la bio en Corse et ça commence par soi : on mange bio en famille ! ».