Depuis 2 ans il est le chef qui incarne la campagne #BioRéflexe. Dans son restaurant étoilé Anona comme dans ses prises de parole au Salon de l’Agriculture, Thibaut Spiwack incarne le bio qui donne envie… et une façon souriante de casser les codes en cuisine. Au menu : Longueur en bouche et circuits courts !
C’est l’histoire d’un jeune homme pas trop pressé mais déterminé, né en région parisienne et formé à l’école du voyage, qui après avoir traversé tous les continents revient à Paris monter son restaurant, où il privilégie… les produits locaux, et bio.
Voyager, Thibaut Spiwack l’a beaucoup fait, depuis son premier voyage au Kenya, à 16 ans. Il en a tiré une ouverture d’esprit, et une grande leçon : « Quand on voit tant de façons de faire les choses, on comprend que oui, même en France où tout est très normé, on peut changer les choses. »
Maîtriser les codes pour mieux les casser
Casser les codes rigides de la restauration : c’est l’objectif qu’il s’est donné en ouvrant son restaurant. Mais avant cela, il a tenu à les apprendre, tous. En France ou à l’étranger, il a tenu tous les postes en cuisine, il a travaillé dans des restaurants gastronomiques et dans des brasseries, et même une pizzeria… « Je voulais tout voir avant de me lancer ! », raconte-t-il.
Fort de ces expériences, il ouvre Anona en 2019 dans le XVIIe arrondissement de Paris – un « restaurant gastronomique de quartier », dit-il, où se déploient des valeurs de partage et d’écologie.
Premier code brisé : celui des ressources humaines. On déplore souvent le management par la terreur dans les cuisines des grands restaurants ? Thibaut Spiwack met en avant la fraternité. Pas toujours simple, mais ses équipiers restent fidèles – un sérieux atout quand on sait les difficultés de recrutement dans le secteur…
Et à la carte ? De l’audace, des légumes frais, de l’harmonie, et une attention particulière à la provenance des produits – locaux, de préférence. Au menu du jour, juste pour saliver : Truite des Pyrénées, concombre francilien et basilic de Paris intra-muros en entrée. Et en plat, Morilles de Sologne, lentilles beluga d’Ile-de-France et truffe d’été. Avec un vin bio, bien entendu… Longueur en bouche et circuits courts !
Le bio, et plus que ça
Anona a déjà reçu une étoile Michelin en 2023, la rouge, après avoir eu la verte en 2022, ainsi que les trois macarons du label Ecotable. Et pourtant, vous ne trouverez pourtant pas de mention bio sur la carte. « Pour moi, ce qui est anormal, c’est ce qui n’est pas bio », annonce le chef, sans la moindre forfanterie.
Cet engagement s’inscrit dans un cadre plus vaste d’écoresponsabilité. Chez Anona, pas de viande dans tous les plats. « Je suis omnivore, dit Thibaut Spiwack. Mais j’aime bien aussi travailler des plats végétariens – sans pour autant le spécifier. »
Être écoresponsable, c’est aussi faire la chasse aux déchets. En utilisant 100 % des légumes, par exemple – privilège du bio ! C’est ainsi que les pelures d’oignon se retrouvent en bouillon, qu’il fait réduire. « Je conserve le concentré dans le bac à glaçons, et boum ! dans un risotto, ça change tout. »
Le goût des vraies tomates
Ce goût du bio lui vient de l’enfance, quand le jeune Thibaut, dans l’Essonne, convainc son père de transformer en potager une partie du jardin familial. « Je me rappellerai toujours de la première fois que j’ai goûté nos tomates, un été. Elles avaient un tel goût ! Soudain je me suis demandé : mais que sont donc les tomates qu’on nous vend au supermarché ? »
Quelques études plus tard, sa conviction a acquis la force de l’évidence. « Dans un fruit ou dans un lait bio, vous avez non seulement plus de goût, mais aussi plus de nutriments »
Le visage du bio
Sa façon de défendre le bio avec le sourire en a fait, pendant deux ans, le visage du label AB en France, via la campagne BioRéflexe – « C’était un honneur ! Le label bio, c’est une marque de transparence indispensable – à la fois pour les clients, et pour nous restaurateurs »
Après deux années de compagnonnage avec l’Agence Bio, il retient notamment ce Salon de l’Agriculture 2023, où il était amené à cuisiner en direct devant les visiteurs. « Le défi, c’était de proposer deux fois par jour des repas complets pour quatre personnes, 100 % bio et pour moins de 10 euros. ». Sur 9 jours de salon, cela fait 18 menus bio à prix réduit, et plaisir garanti ! Le cordon-bleu fut un carton.
Renverser la table
« Bien manger, ça rend plus heureux », dit volontiers le chef Spiwack. Il n’en est pas moins conscient que l’inflation a contraint de nombreux foyers dans leurs pratiques alimentaires. Pour contrer cette tendance, il milite pour une meilleure éducation à l’alimentation dès le plus jeune âge. En imaginant, par exemple, que tous les écoliers de France puissent aller visiter à la fois une ferme bio avec des poulets en liberté, et une exploitation avec des poulets en batterie. Là, peut-être, commencerions-nous à prendre conscience des enjeux, et à « mieux doser notre viande »…
Mais l’éducation n’est pas tout. Encore faudrait-il « primer ceux qui travaillent bien, et pénaliser ceux qui produisent sans respect » pour l’environnement, la biodiversité… ou le goût des aliments, tout simplement. Proposer des bonus/malus, comme pour les voitures, par exemple. « Parfois, il faut contraindre », résume-t-il. Là encore, on pense à la voiture, et à cette ceinture de sécurité qu’il a fallu rendre obligatoire malgré l’impopularité de la mesure à l’époque. Et Thibaut Spiwack de conclure : « Si on réussit cela, alors dans vingt ans, on se dira que c’était quand même fou, ce qu’on nous faisait manger, avant. »