Le bio sera au Salon des Maires et des Collectivités Locales pour réaffirmer le rôle clef des élus pour mettre en oeuvre la loi EGALIM

Comme chaque année, l’Agence BIO sera présente au Salon des Maires et des Collectivités Locales du 19 au 21 novembre au service des élus qui veulent respecter les objectifs français en matière de transitions alimentaires et agricoles : minimum 20% de bio dans les cantines et 18% de bio dans les champs.

Pour atteindre ces objectifs, l’Agence les reçoit sur son stand pendant les 3 jours pour partager tous les moyens de mettre du bio français au menu à coût constant et propose 2 conférences pour repartir avec des méthodes utiles dès le lundi suivant : sur la formation et des équipes et sur le bio social.

  • Conférence 1 : Pour une LOI EGALIM respectée : quelles formations des équipes en cuisine ?

Mercredi 20/11 de 12h30 à 13h15 – Espace Atmosphère Pavillon 4 animé par Julien Picq, chargé de mission restauration collective à l’Agence BIO

Parce que la part de bio dans les assiettes des cantines se joue dès le CAP cuisine, et que le programme du CAP ne parle pas encore de BIO, cette conférence mettra en lumière les actions de

  • Michel Lugnier, Inspecteur général de l’Education Nationale, en charge des référentiels pédagogiques, du CAP au bac professionnel dans l’enseignement hôtellerie / restauration qui œuvre à hybrider l’acquisition des savoirs théoriques et pratiques pour former les chef.fes de demain à l’alimentation durable
  • Vincent Delacour, ambassadeur du bio Cuisinonsplusbio pour l’Agence BIO, chef enseignant au lycée hôtelier de Marlan à Granville (Normandie) qui fait la part belle dans ses cours à la question : pourquoi le bio est bon, comment s’approvisionner et comment le cuisiner à coût constant
  • Lucie Leloup, cheffe formatrice au sein de la SCIC Nourrir l’Avenir qui accompagne les cantines vers le bio et ambassadrice Cuisinonsplusbio en Normandie qui intervient sur la formation continue, qui plaide pour des plats BIO fait maison à budget maîtrisé
  • Jean-Pierre Giacosa conseiller en marchés publics pour la restauration collective, de l’association Resto’Co qui fédère les acteurs en gestion directe. Jean-Pierre épaule les cantines pour trouver les produits BIO, il est notamment intervenu pour les CHU de Brest, Pontarlier dans leurs politiques de sourcing.
  • Conférence 2 : Du bio partout et pour tous, comment conjuguer justice sociale et qualité sur les territoires ? Avec Audrey Pulvar

Jeudi 21/11 de 12h30-13h15 – Espace Atmosphère animé par Julien Picq chargé de mission restauration collective à l’Agence BIO

Cette conférence mettra en lumière les politiques publiques et les initiatives citoyennes qui visent à renforcer l’accessibilité du bio pour le grand nombre. Au menu, les démarches d’acteurs (consommateurs, citoyens, élus…) qui contribuent à rendre accessible les produits bio

Dialogue croisé entre élus et opérationnels

Pour les voix des élus :

  • Audrey Pulvar, adjointe à la mairie de Paris pour l’alimentation durable, l’agriculture, les circuits courts qui parlera de son PAT, de la commande publique pour un objectif de 75% de bio au menu via AgriParisSeine pour les cantines, et tous les autres moyens de faire accéder les Parisiens au bio (paniers bio avec des légumes des jardins de Cocagne pour les étudiants avec le Crous)
  • Aurélie Mézières, maire de Plessé en Loire-Atlantique (44) : comment travailler la démocratie alimentaire sur sa municipalité, engager ses administrés, et valoriser le label Territoire Bio Engagé (TBE)

 

Pour porter la voix des opérationnels

  • Boris Tavernier, fondateur du réseau Vrac, député du Rhône (69), comment Lyon a rendu le bio accessible dans les quartiers populaires, comment le restaurant d’Economie Sociale et Solidaire de la Mesa (Maison Engagée et Solidaire de l’Alimentation) à Lyon s’approvisionne en bio…
  • Eric Faury, membre du collectif AGORES des chef.fes engagé.e.s, responsable de la cuisine centrale de Canéjan en Gironde (33) en scolaire, commune qui s’engage pour obtenir le label Territoire Bio Engagé et nous parlera notamment du dispositif de la cantine à 1€ du ministère de l’Agriculture qui permet d’introduire plus de BIO et de son engagement dans la démarche Territoire Bio Engagée 

AU PROGRAMME

Animations Culinaires  

Des associations, des chef.fe.s et des élèves en école d’hôtellerie se relaient pour régaler les visiteurs de bio à la cuisine du stand

  • Mardi 19 novembre matin : l’école comestible, association d’éducation alimentaire pour les écoles publiques primaires (plus de 50 000 enfants et personnels touchées)
  • Mardi après-midi et mercredi 20 matin : les élèves du lycée Hôtelier de Granville (Normandie) et leur chef formateur Vincent Delacour seront là pour faire goûter le bio en live avec des ballotines de volailles et petits légumes, et des noix de saint-jacques avec mousseline de patate douce, saltimbocca de veau et risotto champignon, lentilles vertes du puy
  • Mercredi 20 novembre après-midi : Ariane Delmas, et son chef Ronan du restaurant Les Marmites Volantes, société qui propose aussi des repas et goûters bio et locaux aux mairies et figure de proue d’Ecotable, label de restauration durable proposeront des recettes à base de légumineuses
  • Jeudi 21 novembre : journée Territoire Bio Engagé, label équivalent au “Village Fleuri” mais en bio, pour valoriser les territoires qui mettent du bio dans leurs champs et dans leurs cantines, se déploiera désormais en région AURA, le chef formateur Karim qui oeuvre pour l’Interbio Centre-Val de Loire viendra cuisiner en démonstration

Retrouvez les conférences et les animations au stand Pavillon 2.3 stand C02

La bio, c’est le laboratoire de la transition agro-écologique le plus avancé que l’on ait nous dit Sophie Tabary

Sophie Tabary, rêver plus grand en bio. Revenue depuis 2012 dans la ferme familiale de Lerzy  (Aisne) avec son conjoint, Sophie Tabary ne cesse de batailler pour changer de paradigme. Renverser le système de production agricole actuel et redonner de la fierté par la nourriture à tout un territoire.  

Il est osé de prétendre que chaque problème est une opportunité potentielle. Pourtant, durant très longtemps, ce sont les crises agricoles qui ont poussé les agriculteurs à la conversion en agriculture biologique. 

De fait, en 2009, les parents de Sophie subissent de plein fouet l’effondrement du prix du lait. C’est la goutte de trop, qui les poussent à faire un pas de côté et à miser sur un système robuste et surtout indépendant des intrants extérieurs qu’il faut payer chaque mois. Produire un peu moins, certes, mais surtout, dépenser moins en utilisant la ressource déjà disponible sur l’exploitation pour nourrir les vaches.

Si les parents de Sophie n’avaient pas fait ce premier pas, elle ne serait jamais revenue sur l’exploitation familiale. Fille d’agriculteur, elle a d’abord tout fait pour s’extraire de son milieu d’origine, qu’elle trouvait trop machiste, trop fermé, et trop dur, et surtout dévalorisé par toute une partie de la population. 

Au cours de ses études de lettres modernes, elle habite différentes villes étudiantes et s’intéresse, presque malgré elle, à la perception des territoires ruraux d’autres régions. Avec surprise, elle constate qu’en Alsace, en Ardèche, dans les Vosges, la nature préservée est perçue comme une richesse, et le paysan comme un créateur de paysage. 

Loin, elle ne revient plus les week-ends dans la ferme familiale, mais se retrouve à aider dans les fermes avoisinantes. Le diagnostic tombe : elle est en mal de campagne.

En 2012, la naissance de sa fille la pousse à revenir à ses racines avec son compagnon dans l’aventure. “ j’ai été saisie par une volonté d’agir pour le futur de mon enfant, de faire changer le regard des habitants sur leur propre territoire. La Thiérache, entre les plaines de Picardie et de Champagne, est une terre d’élevage. J’ai vu dans la bio un moyen formidable de valoriser une approche écosystémique positive, de faire estimer à leur juste valeur la matière organique, les prairies permanentes, les haies, la biodiversité. De rendre fiers les paysans-éleveurs d’être gardiens de cette richesse inestimable et menacée par l’élargissement des plaines céréalières tout autour

Son petit frère les rejoint lui aussi, et ils ne sont pas de trop pour arpenter une ferme s’étendant sur 185 hectares et abritant 110 vaches laitières normandes et montbéliardes, qui produisent chacune 5 500 litres de lait par an. Le domaine accueille également un atelier maraîchage circuit court sur 3,5 hectares ainsi que des vergers avec des variétés anciennes. Dans ce vaste ensemble, on retrouve 20 kilomètres de haies, lesquelles servent à la filière bois énergie locale ainsi qu’au paillage des vaches laitières. 

L’idée est d’œuvrer pour une véritable synergie homme/animal/végétal. La diversification du système est la clef de la résilience pour Sophie, tant pour retrouver un équilibre écologique qui permette de se passer de pesticides, que pour sécuriser le volet économique de la ferme en ne misant pas tout sur une même production. Le lait est vendu en circuit long, tandis que les fruits et légumes sont écoulés en circuits courts ( AMAP, Biocoop, marchés et magasin de producteur). 

 

C’est certes une organisation très complexe et plus chronophage que la moyenne, mais qui produit des résultats économiques largement satisfaisants :« je m’investis pour la bio car à la base, on pose des exigences techniques : conserver un lien au sol et la fertilité intrinsèque de nos terres, ne pas utiliser de pesticides de synthèse, respecter les cycles naturels, protéger l’eau, l’air, la biodiversité et par là-même notre santé  à tous. C’est bien plus qu’un simple marché économique : c’est le laboratoire de la transition agro-écologique le plus avancé que l’on ait, et ça impose un regard politique sur l’alimentation que l’on souhaite pour notre pays. Il suffit de lire le rapport de la Cour des Comptes et de l’Union Européenne sur la question pour voir que nous avons besoin de plus de soutien étant donné notre contribution au bien commun ». 

Pour faire la transition, je constate qu’on remet encore trop souvent la responsabilité de l’évolution des pratiques sur les agriculteurs. Pourtant, pour faire de l’agroécologie, et pas seulement en bio, on doit travailler avec des rotations de 6,8, même 11 cultures différentes. A l’heure qu’il est, aucun outil agro-industriel ne peut gérer une telle diversité car ils sont ultra-spécialisés. Qui en parle? Qui prend le problème à bras le corps?

« Pas de solutions sans interdictions ! »

Un discours très revendicatif qu’elle porte depuis 2023 en tant que Présidente de Bio en Hauts-de-France. Là, sa double casquette de maraîchère et éleveuse bio lui permet d’éveiller les acteurs et décideurs locaux : « je leur explique qu’on a besoin d’augmenter l’alimentation de qualité dans les assiettes à budget constant. Or, comme le plus coûteux en termes climatique et économique, c’est la viande, on incite la restauration collective à en utiliser moins mais de meilleure qualité. De la part d’une éleveuse convaincue, c’est entendable. Pour autant, ça demande beaucoup d’adaptation des agents de cantines. Ils doivent réapprendre à cuisiner différemment. Je ne déteste rien tant que le discours assénant qu’il suffit de changer ses habitudes et d’apprendre à cuisiner pour manger bio. C’est faux. Il y a un surcoût, et il faut faire un effort. Mais le jeu en vaut la chandelle : manger mieux, c’est aussi s’autoriser à se faire du bien, faire attention à sa santé et à celle des autres, retrouver de l’estime de soi. Dans une région aussi pauvre que la mienne, c’est lourd de sens. 

Si la conjoncture actuelle n’incite pas à l’optimisme, Sophie ne lâche pas la barre. “On essaie parfois de nous enfermer dans des cases qui ne sont pas les nôtres, de nous isoler de l’agriculture en général, en nous traitant d’extrémistes. Pourtant, c’est bien toute l’agriculture qui doit bifurquer! Je n’oppose jamais les agriculteurs entre eux, je m’autorise, avec beaucoup de respect, à opposer les systèmes : c’est le propre de toutes les pensées ayant contribuées à l’évolution de l’Humanité! J’espère qu’on est pas obligé de rester coincé dans les années 1960!!

Et puis, selon moi, les normes sont de formidables outils pour accélérer les transitions. On les voit comme des freins, alors que ce devrait être des catalyseurs. L’agronomie, ça s’écrit en marchant! Très malicieusement, je pense qu’il n’y aura pas de solutions sans interdictions! La bio en est la preuve! 

 

Cyriaque Crosnier Mangeat, le pèlerin du bio.

Président et co-fondateur (avec son frère) d’AGROSEMENS et de La Semence Bio, à Aix-en-Provence, Cyriaque Crosnier-Mangeat se moque du court-termisme et des résultats trimestriels. Les crises conjoncturelles le laissent froid et rien n’entame sa conviction que le bio est la voie pour produire à manger écologiquement pour toutes et tous.

Au commencement était la semence. Dans notre modernité technologique aseptisée où nous nous sommes coupés du vivant, nous avons trop tendance à oublier les notions les plus élémentaires, notamment la manière dont nous produisons ce que nous mangeons. Pas Cyriaque. À quatre ans, quand d’autres se rêvent cosmonautes, son Graal à lui est « d’aller planter des graines là où elles ne poussent pas, en Afrique », un rêve qu’il réalisera d’ailleurs une vingtaine d’années plus tard, au Sénégal.

Avec son dernier frère, Judicaël, ingénieur ETP de formation, ils se lancent en sortant d’ école, en 2002, et créent AGROSEMENS, maison semencière pour les maraîchers 100% bio. « On ne voulait pas de compromis. Notre leitmotiv, c’est l’alignement. Travailler pour et avec les paysans, chercher en permanence ensemble et trouver les produits les plus efficaces, les plus résilients. Le cahier des charges bio précise bien qu’on ne traite les semences ni avant ni après récolte et cela donne des produits qui s’adaptent, qui résistent mieux aux ravageurs, qui sont moins gourmands en eau… La vraie solution à la crise climatique est dans la nature ».

 Toutes les théories sur notre adaptation au dérèglement climatique passant par davantage de technologies et d’OGM, le braquent : « les OGM sont une supercherie dans la mesure où l’on se place au-dessus du vivant et où l’on délègue à des entreprises un bien mondial de l’humanité, les semences à l’origine de nos futures récoltes ». Pour cet agronome de formation, les tenants du système productiviste actuel sont empreints d’hubris quand nous devrions au contraire nous emplir d’humilité, mot qui a la même racine qu’humus, à l’origine de toute son aventure professionnelle.

 De deux personnes en 2002, AGROSEMENS est devenue une PME solide la région SUD, avec 35 salariés à temps plein et soixante travailleurs à la haute saison, qui se répartissent entre la ferme expérimentale et l’entrepôt semencier. La maison est restée familiale (ils ont associé leur sœur), indépendante et est désormais leader du marché des artisans semenciers bio. L’indépendance, autre maître mot de l’entreprise leur fait refuser la grande distribution généraliste pour vendre des semences aux jardiniers amateurs sous la marque La Semence Bio®.

 Si l’entreprise prospère aujourd’hui, c’est après beaucoup de travail et une démarche de R&D permanente : « nous ne sommes pas seulement des agronomes, des techniciens ou des commerçants, mais tout cela à la fois pour être une réponse à la crise de la paysannerie. De fait, je ne considère pas nos clients comme tels, mais comme des partenaires et alliés avec qui nous élaborons et enrichissons notre catalogue au service du Vivant ». Leur grande bibliothèque d’Alexandrie à eux représente 900 espèces et variétés déclinées selon 6 000 conditionnements en stock.

Quand on lui parle de la crise du bio actuelle et de l’importance de produire plus pour nourrir la planète, il oscille entre goguenardise et colère : « quand j’entends parler d’autonomie et de souveraineté agricole, il faut savoir de quoi on parle. On doit importer du porc et du blé à la suite des récoltes de cette année, tout cela parce que nous sommes encore sur la vision du plan Marshall d’une agriculture très dérégulée et complètement indifférenciée. C’est une aberration car les sols et les paysages ne sont pas les mêmes, il faut respecter . Importer du low cette diversité naturelle dans ce que nous allons produire. 

 

On voit bien que ce modèle n’est pas résilient, ni pour les paysans, ni pour les habitants. Importer du low cost n’est pas plus une voie d’avenir, la seule qui vaille c’est le bio et local : la reconnexion avec nos territoires, avec nos paysans, que les Français se renseignent sur le fondamental, la nourriture et comprennent son juste prix. L’éclaircie entrevue pendant le COVID, pendant laquelle les français sont allés en masse se fournir chez les paysans est retombée, c’était une embellie conjoncturelle. Je voudrais qu’on réalise tous les jours l’importance des paysans : à 20h on applaudissait à raison les soignants, mais on aurait dû aussi applaudir les paysans qui nous nourrissent ». Mais à peine cette colère éclatée, Cyriaque reprend son bâton de pèlerin du bio et envisage l’avenir avec optimisme : « il ne peut pas en aller autrement, le système actuel tient sur des dettes et du virtuel, la seule agriculture qui rémunère dignement ceux qui la font, qui respecte le vivant, l’eau, les sols et la biodiversité, c’est la bio, tout le monde finira tôt ou tard par l’entendre ». À bon entendeur…

 

Communiqué de presse – 25 septembre 2024

Sur la Terre est notre métier, l’Agence BIO publie pour la première fois les chiffres à mi-année du secteur bio

Le Salon La Terre est Notre Métier, qui réunit les professionnels du secteur de l’agriculture biologique ces 25 et 26 septembre à Retiers, verra pour la première fois l’Agence BIO publier une actualisation des chiffres du marché à mi-année ainsi que de la production bio (hors restauration hors domicile).

Après plusieurs années de baisse de la consommation bio, la consommation de produits bio tend à se stabiliser : si les ventes de produits bio peinent encore à regagner du terrain dans les rayons des grandes et moyennes surfaces, en revanche elles sont reparties à la hausse en vente directe et en magasins bio.

Vers une stabilisation du marché ? : une baisse des ventes de bio en grande distribution, et le retour de la croissance en vente directe et en magasins bio

Le poids du bio en grande distribution dans le chiffre d’affaire diminue de 4,7% début 2023 à 4,4% au 2ème trimestre 2024, occasionnant un recul en valeur. Toutefois, les marques de distributeurs en bio tirent cependant leurs épingles du jeu en grandes surfaces..

Les ventes en circuit court et le développement des magasins spécialisés poursuivent leur croissance en valeur. Ces modes d’achats compensent la baisse en GMS  :

  • + 8,4% dans le circuit spécialisé bio ;
  • + 3% en vente directe ;
  • – 5% de ventes en valeur dans les GMS.

Pour ce qui concerne les filières, les éleveurs français sont parmi les plus touchés par la baisse des volumes consommés en bio, alors que l’élevage et les engrais naturels qu’il produit jouent un rôle clef dans la fertilisation des cultures bio qui s’interdit les engrais azotés.

Côté champs : un solde encore positif au 30 juin 2024

  • 1 167 nouveaux producteurs bio : le solde entre entrants et sortants reste positif, le bio continue d’être attractif .
  • + 14% de nouveaux producteurs par rapport à la même période en 2023.
  • + 30% d’arrêts de producteurs par rapport à la même période.

Un événement pour rassembler l’ensemble des filières et mettre en avant les agriculteurs

Au cœur de la Bretagne à Retiers, le Salon La Terre est Notre Métier est l’occasion pour l’Agence BIO  de rappeler que la consommation dans nos assiettes détermine la transition agricole dans les champs. La consommation de bio en France représente 6% des dépenses alimentaires des ménages et 6% de la restauration collective, secteur dont la loi EGALim fixe un minimum de bio à 20%. La place du bio dans l’assiette détermine directement la préservation du trésor national que constituent les 61 000 fermes bio françaises : les derniers chiffres montrent une reprise de la consommation bio qui doit se renforcer et se poursuivre grâce à la mobilisation de tous les acteurs de la distribution et de la restauration.

À propos :
Créée en novembre 2001 et dotée d’une mission d’intérêt général, l’Agence BIO est un groupement d’intérêt public en charge du développement, de la promotion et de la structuration de l’agriculture biologique française. Elle rassemble au sein de de son conseil d’administration des représentants des Pouvoirs Publics – le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires – et des professionnels (FNAB, Chambres d’agriculture France, Synabio, FCD, Synadis Bio, Interbio, et la Coopération Agricole). Ses missions principales : communiquer et informer sur l’agriculture biologique et ses vertus environnementales. Produire, analyser et partager les chiffres du bio avec l’Observatoire National. « Être une instance » de dialogue entre l’amont agricole et l’aval industriel, entre les bios historiques et les plus récents. Investir le Fonds Avenir Bio de 13 millions d’euros sur les projets collectifs d’entrepreneurs du bio les plus structurants et les plus pérennes pour les filières bio françaises.

Cécile Détang-Dessendre : quand l’INRAE se penche sur l’avenir de la bio

Solutions de bio-contrôle, recouplage animal-végétal mais aussi semences, politique de prix et régimes alimentaires : l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement (INRAE) examine la bio sous tous les angles, avec une grande question : si l’offre de produits bio devenait majoritaire, que faudrait-il changer ?

Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe Agriculture de l’Institut, nous détaille les enjeux de ce « métaprogramme » qui pourrait éclairer l’avenir de la filière.

Il y a la rigueur de la scientifique, le doute qui fait progresser la science, mais aussi la passion dans la voix et l’œil qui s’allume en parlant de certains projets de recherche : après 30 ans à INRAE, Cécile Detang-Dessendre nous fait vivre la science comme une aventure. On ne peut pas dire, pourtant, qu’elle ait choisi les sujets les plus spectaculaires. Economiste de formation, c’est en étudiant le marché du travail dans l’agriculture qu’elle s’est intéressée de près à l’agriculture biologique. « Moins de mécanisation, et plus de vente directe : l’AB mobilise plus de travail. » Quand INRAE lui propose d’intégrer la direction scientifique et de coordonner des recherches liées à la bio, elle accepte. Croiser les disciplines pour examiner toutes les facettes d’un sujet, c’est sa vision de la science. Et puis, entre temps, elle a acquis une conviction : avec le réchauffement climatique, « le statu quo n’est plus une option ». Et le défi est immense.

« Changement d’échelle de l’agriculture biologique : tout un (méta)programme

Mais face à la menace climatique que peut faire l’INRAE ? Eh bien… de la science. C’est-à-dire : poser les questions les plus pertinentes pour faire avancer la connaissance et les pratiques.

Et pour cela, l’Institut dispose de moyens que le monde entier envie à la France : un vivier de 4000 chercheurs, et 75 Unités expérimentales. Et une place de n°1 pour le nombre de publications scientifiques dans le domaine du bio.

« A lNRAE, nous n’avons pas de position dogmatique, insiste Cécile Détang-Dessendre. Des précurseurs se sont intéressés à la bio dès les années 80. Nous savons aujourd’hui qu’il est indispensable d’accélérer la transition vers une agriculture écologique. Et la bio est évidemment une des voies de cette transition »

En 2020, INRAE lance donc son métaprogramme METABIO. Son angle d’attaque ? Explorer un changement d’échelle de l’agriculture biologique, et anticiper ce qu’induirait un monde où l’offre de bio serait majoritaire. « Cela ne veut pas dire que nous nous sommes fixés comme objectif 50 % de bio, précise la scientifique. Mais puisque des changements de pratiques sont indispensables, il est de notre responsabilité de scientifiques de nous projeter, de prendre de l’avance et d’anticiper les besoins des agriculteurs ». Parmi les questions explorées, on peut citer celles-ci : Quel impact sur les semences ? Sur la distribution ? Sur l’organisation des filières ? Quelles ressources mobiliser pour produire suffisamment ? Comment développer des procédés de transformation biocompatibles ? Et comment accompagner les agriculteurs ? Et « ce que nous apprenons avec les recherches en AB bénéficie à tous les types d’agriculture ».

La bio sous tous les angles

Une vingtaine de projets lancés, tous pluridisciplinaires – et 350 chercheurs impliqués. Avec de la recherche fondamentale en laboratoire (citons le travail sur le microbiote des baies de raisins en AB), mais aussi de la recherche appliquée, à l’image de cet essai mené en Bourgogne avec plusieurs hectares de grande culture zéro intrant chimique. Ou ce projet en Guadeloupe, où 5 agriculteurs travailleront avec l’Unité expérimentale locale pour tester différentes configurations de recouplage animal/végétal.

Cette co-construction, Cécile Detang-Dessendre y tient. « Depuis la nuit des temps, les agriculteurs appliquent sur leurs terres une méthode scientifique, rappelle-t-elle : tenter des choses nouvelles, observer les résultats, et pousser ce qui marche… » Un cycle sans fin, que INRAE accompagne pour et avec les premiers concernés.  

Essaimer ce qui marche, pour les agriculteurs et pour l’environnement

3 ans après le lancement du métaprogramme, qui court jusqu’en 2028, il n’est pas question encore de claironner des résultats. Mais déjà, des indications se dessinent. Sur l’impact de l’agriculture biologique sur la santé, par exemple. Ou encore sur des pratiques bio en plus décarbonées. Des expériences très prometteuses sont menées dans le domaine du bio-contrôle – comme ces phéromones qui semblent particulièrement efficaces contre la tordeuse de la grappe, un des poisons de la viticulture. Impossible de citer ici toutes les avancées, dans des domaines aussi variés que l’élasticité-prix des produits bio, les leviers possibles pour développer la production porcine en AB, le succès (avéré) du couplage lapins/pommiers, les formats bio les plus adaptés aux cantines scolaires ou encore l’impact des légumineuses sur la fourniture d’azote…

En élargissant l’angle d’analyse, les modélisations actuelles montrent que tenir les objectifs du Green Deal européen et atteindre la neutralité carbone en 2050 de l’économie européenne nécessitera une transformation majeure des systèmes agricoles et alimentaires et en particulier une adaptation de nos régimes alimentaires. « Ce qui tombe bien, note Cécile Detang-Dessendre, puisque le Plan Nutrition-Santé lui-même préconise de privilégier la viande de volaille et de  limiter à 500 grammes la consommation des autres viandes par semaine » ; Nous consommons actuellement en moyenne 900 g de viande par semaine et par personne, selon les enquêtes de consommation de l’ANSES.

Au-delà du pilotage des programmes parfois extrêmement pointus, la directrice scientifique adjointe ne perd pas de vue les grands équilibres, et la nécessité de changer les modèles agricoles. Loin des discours sur les estrades et devant les plateaux de télévision, chercheurs et agriculteurs s’emploient ainsi chaque jour à prendre de l’avance sur la transition alimentaire, parce qu’elle entrainera la transition agricole.

 

 

Pierre-Yves Rommelaere, la cantine autrement

 

20 % de bio dans les cantines ! On le sait, l’objectif fixé par la loi Egalim n’a pas été atteint. Dans son collège de l’Aude, pourtant, Pierre-Yves Rommelaere dépasse les 80 % de bio, sans dépasser le budget. Comment ? Eh bien… En cuisinant. Portrait d’un cuisinier fier de son métier, et qu’on aurait aimé avoir eu au collège.

C’est l’histoire d’un homme qui quitte l’école après la 3e, en butte avec le système scolaire, et qui y revient au collège vingt-cinq ans après, pour tout changer… en cuisine.

« Une autre cantine est possible », c’est le titre du livre qu’il a publié en 2021 avec le sociologue Marc Perrenoud, et qui tord le cou aux idées reçues – à commencer par celle-ci : « La cantine c’est jamais bon ». Mais si, ça peut l’être !

De la cuisine gastronomique à la cantine

Avant de publier ce livre, Pierre-Yves Rommelaere a connu bien des expériences dans la restauration – de l’école hôtelière jusqu’à un restaurant gastronomique. Puis il a rencontré sa femme, à Toulouse, un enfant est né… « Comme beaucoup de cuisiniers, j’ai senti le besoin de me poser, donc d’envisager la restauration collective », dit-il.

Un établissement médicalisé pour personnes âgées lui propose un CDI, près de chez lui. Il accepte, sans passion. Pierre-Yves Rommelaere le reconnaît volontiers : « La restauration collective est plutôt méprisée dans les écoles de cuisine. Bien souvent, les chefs ne savent pas comment faire, alors ils font comme leurs prédécesseurs… Moi aussi, j’ai commencé par servir des macédoines de légumes en boîte. J’avais plus de temps pour moi, certes, mais je perdais le goût de cuisiner. Je n’étais pas très fier… ».

Retrouver le goût de cuisiner

Un jour, Pierre-Yves décide de briser le cercle vicieux, et de retrouver un peu de plaisir dans son travail. « Un dessert surgelé était au menu. J’ai décidé de le laisser dans le congélateur, et de me lancer dans une tarte aux pommes. Quatre ingrédients, rien de plus simple… Le lendemain, on m’a raconté que les résidents chantaient à table !  »

Le changement est impulsé. Petit à petit, le surgelé disparaît des menus. Pierre-Yves retrouve le goût de cuisiner, et les résidents celui de manger. Qui dit mieux ? « Quand on change la cuisine, on change aussi la vie qui va autour », conclut le cuisinier. De cette expérience, il retiendra l’habitude… de bousculer les habitudes. « En restauration collective, les contraintes réglementaires sont telles que dès que l’on veut changer quelque chose, on vous dit  : ce n’est pas possible. Mais c’est possible ! »

Du bio pour nos enfants !

Jusqu’ici, l’histoire de Pierre-Yves Rommelaere s’écrit loin de l’agriculture biologique. Mais tout change quand il est embauché par le collège de Lézignan, pour gérer une cantine d’environ 500 couverts. « Quand je suis arrivé, il y avait un yaourt bio une fois par semaine, rien de plus. Mais il y avait une volonté politique de développer le bio et les produits locaux… » Une volonté qu’il partage : « Avec des enfants, se soucier de la provenance des aliments, c’est essentiel ! »

Très vite, il décide qu’il ira plus loin que ce qu’impose la loi Egalim. Alors, avec les quatre employés de la cantine, Pierre-Yves change les habitudes. L’équipe se met à cuisiner des produits bruts, à varier les repas. La lutte contre le gaspillage devient une priorité. Le levier ? Que les enfants aiment ce qu’ils mangent. Pour mieux faire accepter légumes et légumineuses, Pierre-Yves les propose parfois en tartinades. Et il n’hésite pas à sortir de sa cuisine pour présenter ses recettes. « Au collège, on apprend aussi à manger ! dit-il. Quand je propose un plat indien végétarien, j’explique l’origine du plat. Chacun se sert selon sa faim, et petit à petit, ils s’y font. Et on jette beaucoup moins qu’avant ! »

Non, le bio n’est pas plus cher !

Le collège de Lézignan dépasse désormais les 80 % de produits bio – locaux à près de 60 %. Les coûts ont-ils pour autant explosé ? Pas du tout – même avec l’inflation de 2023. « On est entre 2,30 et 2,40 € par repas, détaille le cuisinier. La recette ? Moins de gaspillage, mais aussi moins de produits. « Avec des épices bio, pas besoin de mettre tout le sachet pour donner du goût », sourit-il. Et quand on a de bons produits, on peut cuisiner simple ». Autre exemple marquant : le poisson. « Un poisson surgelé rend 30 % d’eau. En cuisinant bien un poisson frais, vous avez autant de matière pour le même prix… et c’est meilleur. »

Et le cuisinier de mettre au défi ses collègues : « Je les invite à venir faire les courses au marché avec moi le samedi matin, ils verront si c’est plus vraiment cher de cuisiner bio ! »

Un modèle à suivre

Avec son livre et quelques interventions dans les médias, Pierre-Yves Rommelaere entend « mettre en avant le travail des cuisiniers, et des démarches nouvelles ». Sur Instagram, il partage ses recettes… et d’autres cuisiniers le contactent pour des conseils. L’hôpital de Lézignan l’a appelé récemment, intéressé par ses fournisseurs locaux. « On commence à faire tâche d’huile, dit-il. Et on montre que la restauration collective peut être un soutien à l’agriculture bio et locale, et un vrai levier pour la transition que l’on souhaite tous. »

Bien sûr, il en faudrait bien d’autres que lui pour que cette transition s’accélère. « Il faudrait bouger au niveau de la formation, préconise-t-il. Revenir aux bases : les produits, les saisons, la cuisson… »

Les bases : n’est-ce pas ce que l’on est censé apprendre, au collège ?

Bon appétit.

 

 

 

 

Margot Lecarpentier, ou quand le bio s’invite dans les cocktails

En 2017, peu misaient sur un bar à cocktails tenu par des filles dans le quartier de Belleville, à Paris. Aujourd’hui, Margot Lecarpentier est reconnue comme une des grandes mixologues françaises… et elle fait entrer les produits bio dans le monde de la nuit. Un combat encore jeune, mais qu’elle mène avec un sourire résolu.

La rue de Belleville est bien connue des joueurs de Monopoly. Mais y avez-vous déjà fait un tour ? C’est une rue en pente, pleine de vie, de restaurants et de bars. Au n°63, depuis 2017, on y trouve un bar à cocktail. Son nom ? « Combat ». C’est qu’il n’a pas été facile pour Margot Lecarpentier de convaincre des partenaires pour se lancer dans une telle aventure avec une équipe entièrement féminine ! Sept ans plus tard, on peut parler de succès : l’équipe compte aujourd’hui 6 personnes qui servent tous les soirs des cocktails avec ou sans alcool à une clientèle éclectique. Un vrai lieu de vie, ouvert sur la ville, pour siroter un étonnant Lhassa (cachaça, grenade, amer cassis, pin, citron et stracciatella) ou une Margarita maison avec un trait de camomille…

Sur le trottoir d’en face, on trouve un magasin Biocoop. Chez Combat aussi, tout ou presque est bio – mais rien sur la carte ne l’indique. C’est que, pour Margot Lecarpentier, le bio n’est pas n’est pas un argument : c’est une évidence.

De la campagne normande à la nuit parisienne

« Le bio, je suis née dedans, explique la jeune femme. Je viens de la campagne normande, et ma mère faisait ses courses dans les épiceries bio avant même que n’arrivent les enseignes. Des légumes bio, du pain au levain et du vrac, c’est toute mon enfance ! »

Comment est-elle passée de ce monde rural à la nuit parisienne ? C’est d’abord une passion pour la musique qui l’amène à Londres, où elle découvre les cuisines du monde. Puis à Paris, elle découvre la culture du bistrot. Puis c’est l’imprévu, comme une carte Chance au Monopoly : son appartement parisien est cambriolé. Elle décide de repasser par la case Départ. Ce sera New-York, cette ville qui ne dort pas et où le cocktail est roi. Adieu l’industrie musicale, décide-t-elle : elle rentre en France, décidée à démocratiser la culture du cocktail.

Elle fait ses premières armes à l’expérimental COCKTAIL club , et saute le pas dès qu’elle se sent prête « à devenir sa propre patronne, pour pouvoir être intransigeante sur [mes] choix. »

Trouvailles et cocktails

Dans ce parcours, une rencontre se révèle déterminante : Sylvain Grundlinger, le « petitiste » de Trouvailles & Terroirs , dénicheur de produits bio aux saveurs exceptionnelles. « Au départ, il était venu présenter un sirop d’érable à l’Expérimental. Le lien ne s’est jamais perdu ensuite », raconte Margot.

Quand Margot crée Combat, Sylvain Grundlinger la suit dans l’aventure. Il inspire même un de ses cocktails « signature » : l’Impécâpres (tequila, câpres, Suze, noix, vermouth blanc, citron). Il lui fournit régulièrement herbes, fruits, et vinaigres de cidre ou de fleur de sureau bio. Ses trouvailles inspirent parfois à la mixologue passionnée des idées nouvelles. « Un jour, il m’a fait goûter des petits pois qu’on mangeait comme des bonbons. Et quand j’ai croqué dans la cosse, en sentant le jus, j’ai su qu’il pouvait s’intégrer dans un cocktail… »

A la carte de Combat, tout est bio, ou presque. Le « presque », c’est la marque d’une honnêteté radicale. « Le citron est un ingrédient essentiel dans de nombreux cocktails, mais en janvier ou février, c’est compliqué d’en trouver en bio… » Pour trouver de l’acidité, Margot a volontiers recours à du verjus de raisins cueillis avant maturité : inventer, toujours ! Et tout préparer sur place – c’est aussi ça, l’esprit de Combat.

Au-delà du bio : l’éco-responsabilité

Margot Lecarpentier le reconnaît volontiers : le bio n’est guère présent aujourd’hui dans l’univers de la mixologie – particulièrement dans les alcools forts, lesquels n’indiquent que très peu leur composition. Il en existe pourtant des certifiés AB, ouf !

Mais on n’aurait rien compris si on pensait que la démarche de Margot Lecarpentier s’arrête à la certification. « Nous cherchons à être éco-responsables dans tout ce que nous faisons, explique-t-elle. Ce n’est pas toujours simple, notamment pour le zéro-plastique, mais on s’y tient ». Parmi les engagements ? Des couverts réutilisables, donc, mais aussi du vrac (y compris pour les spiritueux), des savons solides, pas de serviette en papier, pas de produit chimique… et une chasse au gaspi qui nourrit aussi la créativité. « On essaie de tout réutiliser ! Découper des feuilles de figuier pour la déco des cocktails et garder les chutes pour une liqueur, par exemple. Ou faire infuser des feuilles de clémentines dans du gin et préparer un cordial avec les fruits… » 

#Tutopicole, la mixologie pour toustes

Margot Lecarpentier partage toutes ces idées sur son compte Instagram, où elle a développé depuis le confinement de 2020 le #tutopicole. « J’avais mis à infuser des noix de macadamia dans un alcool. Je l’ai partagé en story, et les demandes de tutos ont afflué très vite. Alors j’ai continué… »

Très suivie sur les réseaux sociaux, elle l’est aussi dans son milieu professionnel. Elle est ainsi devenu cheffe mixologue du groupe Alain Ducasse – et on peut la retrouver les jeudis soirs, au bar de l’hôtel Meurice. Après tout, au Monopoly, tout se finit-il pas en hôtels ? Sauf que Margot Lecarpentier n’en est qu’au début de sa partie, et qu’elle n’aime rien tant que changer les règles. Pour inclure tout le monde, donner de la joie à la nuit comme au jour, avec ou sans alcool… et en bio, évidemment.

Sylvain Grundlinger : le « petitiste » qui magnifie le bio

Depuis plus de dix ans, Sylvain Grundlinger déniche des producteurs engagés et fournit les plus grands chefs en produits bio. Une activité à taille humaine qu’il partage sur son site, « Trouvailles & Terroirs », et dans un étrange magasin aux allures de cave aux trésors…

Nous sommes à Paris, quartier de Pigalle, au fond d’une impasse à l’écart du boulevard. Pas de devanture, pas d’enseigne – mais ceux qui savent, savent. Une après-midi par semaine, Sylvain Grundlinger ouvre son magasin. Fruits et légumes, huiles et vinaigres : tout est bio, les stocks sont limités, les prix raisonnables.

Quand nous entrons ce jour-là, deux chefs sont en pleine conversation. « Elles sont splendides, les échalotes. Tu les travailles comment, toi ? » demande l’un. « En sauce ! Délicieux. Ou dans un beurre blanc… » C’est qu’ici, la clientèle aussi est spéciale, entre gourmets éclairés et chefs en quête d’une trouvaille originale.

Le petit qui fournit des plus grands

Pour comprendre ce qui se joue ici, il faut connaître le patron de ce lieu presque secret. Sylvain Grundlinger a commencé sa carrière professionnelle non pas dans l’agriculture, mais… dans l’événementiel. Dans les années 2010, Sylvain décide de tourner le dos au salariat et de créer sa propre activité. Il crée « Le bonhomme bio », qui livre des paniers de fruits dans les entreprises. « Je faisais les livraisons moi-même, raconte-t-il. Et ça a si bien marché que je me suis ruiné le dos. » Après trois ans, il s’associe avec un confrère, élargit ses activités et son carnet d’adresses de fournisseurs bio… Puis, en 2014, il lance Trouvailles & Terroirs. Une activité de grossiste pour les restaurateurs, mais à taille humaine. « Je ne voulais pas créer d’entreprise au sens traditionnel ; je voulais pouvoir choisir mes fournisseurs, mais aussi mes clients », précise-t-il, avant de conclure : « je ne suis pas un grossiste, mais un petitiste. »

Un « petitiste » qui travaille aujourd’hui avec une cinquantaine de clients, parmi lesquels certains des plus grands chefs. « J’ai énormément appris de leur exigence, assure Sylvain. Travailler avec un chef qui sait reconnaître à l’oeil la qualité d’un petit pois dans un lot entier, c’est un défi. Et j’aime ça, trouver des solutions pour répondre à une demande nouvelle. »

L’excellence plutôt que la croissance, en un sens.

Éloge de la fraîcheur

Cette excellence, c’est toute l’implication d’un homme qui se lève régulièrement à deux heures du matin pour assurer les produits les plus frais à sa clientèle. « On dit que j’ai les meilleurs produits ; en réalité, j’ai surtout les produits les plus frais ! Mon métier, c’est de choisir les produits, mais c’est aussi la logistique. Avec 12 à 24 heures d’avance sur les autres, je permets à mes clients d’avoir à la carte du midi des légumes cueillis la veille. »

Des produits qu’il est parfois aussi le seul à proposer sur toute la place de Paris, grâce à un réseau de fournisseurs (en direct ou via quelques intermédiaires bien choisis) qu’il a mis des années à constituer, avec toujours une triple exigence : une agriculture propre, la qualité gustative (« il faut qu’il se passe quelque chose tout de suite, aux yeux et au goût »), et la relation humaine. « Le meilleur des légumes, s’il est produit dans des conditions qui ne me satisfont pas, ou par quelqu’un qui traite mal ses employés, je préfère m’en passer », dit-il.

L’évidence du bio

Notre visite avance et nous nous rendons compte que nous n’avons pas encore parlé de bio. « … Parce que pour moi, ça va de soi, dit tranquillement Sylvain Grundlinger. Quand je parle d’agriculture propre, le bio, c’est la base. Le système n’est peut-être pas parfait mais il n’y a que là qu’il y ait un vrai contrôle. Les autres labels ? Je n’en parle même pas. Ce qui ne peut pas se vérifier, ça ne vaut rien. » Chez Trouvailles&Terroirs, les produits sont 100 % bio, l’entreprise elle-même est certifiée, mais Sylvain Grundlinger n’en fait pas un argument. Au prosélytisme, il préfère opposer la force de l’évidence : « On dit que le bio a du sens. Mais c’est surtout ce qui n’est pas bio qui n’en a pas. » Lui préfère mettre en avant le goût de ses produits… et conserver des prix raisonnables.

Un blocage à dépasser

Le prix, d’ailleurs, parlons-en ! Serait-ce lui, le blocage qui empêche les restaurateurs de mettre plus de bio sur leurs cartes ? Sylvain Grundlinger balaie l’argument. Pour les grands chefs, explique-t-il, le coût des matières premières ne constitue qu’une part mineure du prix de l’assiette. « La réalité, surtout, c’est que les restaurateurs achètent mal. Je vois bien, moi, comment certains grossistes montent leurs prix dès qu’il y a un label AB. Alors que bien acheter, c’est tout un ensemble : le produit, le transport, le service. Et à ce jeu-là, quand on s’y prend bien, le bio n’est pas plus cher. » Deux restaurateurs qui font leurs courses dans la boutique abondent dans son sens. « Si les clients entendaient certains restaurateurs parler entre eux, ils fuiraient », assure l’un d’eux, tandis que l’autre plaisante : « Moi, j’achète du bio, et ce n’est pas grave. La question, c’est surtout : pourquoi les autres ne le font pas ? »

Le débat s’engage sur les blocages psychologiques qui restent à dépasser dans le secteur. Un débat qui pourrait rebondir de façon inattendue quand on sait que nombre de restaurateurs peinent à trouver des collaborateurs. Car pour nombre de jeunes cuisiniers, travailler des produits bio constitue un véritable argument de recrutement. « Plutôt que de se perdre dans de faux débats, les restaurateurs feraient mieux de remettre leurs pratiques en question s’ils veulent recruter… conclut Sylvain Grundlinger. En attendant, dans certains restaurants, je propose des paniers bio au staff, ils sont contents… »

L’éthique de travail, toujours. Et une sorte de retour aux sources pour celui qui, il y a vingt ans, livrait des fruits aux grandes entreprises. Sans savoir qu’un jour il ne côtoierait plus que le haut du panier.

Patrick Bergman exotiquement bio

Ses clémentines, kiwis, et désormais citrons et pomelos ravissent les consommateurs français avides de bio français, y compris pour ces produits dits « exotiques ». Un petit miracle répété chaque année pour celui qui a repris l’exploitation familiale en Corse il y a 40 ans. Venu au bio par nécessité économique, il y est resté par conviction écologique. 

Patrick Bergman est attaché à la Corse. Né au Congo Belge, il débarque sur l’île en 1962 avec ses parents qui ont acheté des clémentiniers. Il la quitte pour les lycées agricoles du continent, à Aix en Provence, avant d’y revenir puis de repartir pour son Congo natal – devenu le Zaïre, pour travailler dans le coton et les palmiers à huile. Las, les troubles politiques le ramènent une nouvelle fois vers l’île de beauté en 1984 pour reprendre l’exploitation familiale.

Après un début marqué par la diversification des cultures avec du kiwi et de l’avocat, la concurrence italienne et espagnole met l’exploitation en péril économique. Avec l’aide d’un voisin, Albrecht Von Keyserlingk, féru de plantes aromatiques bio, il s’initie aux vertus d’une autre agriculture.

Aussitôt converti, aussitôt convertisseur : Patrick contacte l’Interbio Corse et y prend des responsabilités. Anciennement président, il en est aujourd’hui vice-président pour consolider la filière locale : « je  me suis occupé de la production et j’ai développé les stations de conditionnement, faute de quoi il n’y a pas de marché possible. Ensuite, pour assurer les approvisionnements, je me suis rapproché d’organisations de producteurs (OP) comme Terre d’Agrumes avec qui nous avons amené plusieurs producteurs à la bio ». Cette filière a grossi au point de représenter aujourd’hui 1 200 tonnes de clémentines, 250 tonnes de kiwis, 400 tonnes de pomelos et 50 de citrons (l’exploitation de Patrick représentant à elle seule 400 tonnes de clémentines et 100 de kiwis). Des volumes importants et qui sont vendus à 99% sur le continent… « Hélas, il n’y a pas de demande en Corse. On fournit quelques magasins spécialisés, mais guère plus. Je ne peux pas compter sur le relais de la restauration car nous n’avons des touristes que l’été au moment où je ne produis plus… Mais j’ai à cœur de développer mes relations locales et je compte y arriver via la restauration collective notamment les cantines scolaires ». Il y a également des tentatives de diversifications à l’export, mais les marchés européens ne sont pas prêts à payer le prix du bio IGP en Corse. Pas de quoi contrarier Patrick qui envisage l’avenir sereinement sous l’auspice de la diversification et de l’augmentation de la demande : « nous nous sommes lancés sur le citron, mais aussi le citron caviar, le pomelo, les oranges blondes et sanguines ou encore l’avocat. Tout cela ces trois dernières années et il en faut plutôt 5 à 10 entre l’année de la plantation et celles de rendements optimaux. Je n’ai pas de doute sur leur écoulement car le bio local est recherché : si nous sommes limités au niveau des clémentines, je pense qu’on peut tripler voire quadrupler les volumes de pomelo et de kiwi ».

Arrivé à la bio par nécessité économique, Patrick y reste par conviction écologique. En devant renouveler ces plantations de kiwis de 1985, il constate l’impact du réchauffement climatique : « nous n’avons plus de températures suffisamment froides pour assurer une dormance suffisante de l’arbre. Quand nous allons renouveler le verger, nous allons devoir nous mettre en quête de variétés qui ont besoin de froid. C’est ça qu’on vit aujourd’hui, comme les limitations hydriques avec deux jours par semaine où arroser est interdit. Il faut de la bio et du local car la mondialisation amène des parasites qui causent de graves dégâts. La bio, c’est le meilleur mode de production pour la santé de la planète comme celle des humains, voilà pourquoi je suis un militant de la bio en Corse et ça commence par soi : on mange bio en famille ! ». 

En Allemagne, le bio est sorti de la crise

En Allemagne le bio sort de la crise en 2023 le marché croit de 5%. En 2022 le marché bio allemand recule avait reculé de 4% allemand croit de 5%.

Comment l’expliquer ?

L’Agence BIO croise les analyses avec @ecozept, cabinet franco-allemand pour comprendre

  • La grande distribution alimentaire outre-Rhin a continué à investir dans le bio, même en pleine crise. Les efforts de communication ont été renforcés avec une mise en avant du bio dans les dépliants et dans les promotions.
  • S’il y a eu quelques déréférencements parmi les marques nationales bio, ils ont été surcompensés par la création de nouvelles références à l’intérieur des marques de distribution (MDD bio), les volumes sont donc restés stables. Etoffer ainsi l’entrée de gamme a été la solution pragmatique dans une situation où l’inflation réduisait le pouvoir d’achat. Dans l’ensemble, le nombre de références dans les rayons de la grande distribution a augmenté de 5 % pendant la crise.
  • De nouveaux projets ont été lancés en 2023, notamment dans le discount dont les MDD ont fait des « collabs » avec des associations agricoles bio allemandes Bioland et Naturland. Ceci a permis d’écouler les volumes produits au niveau agricole et d’assurer une stabilité des prix pour les matières premières bio.

 

Les distributeurs ont constaté que sous l’effet d’inflation, les consommatrices et consommateurs allemands ne réduisent pas leurs achats en bio, mais les reportent vers des canaux de distribution et des produits moins chers. Ils ont su répondre à ce report de pouvoir d’achat par des innovations à l’intérieur de la gamme et réussissent ainsi de fidéliser une clientèle attractive.

Source :  Ecozept d’après BÖLW

Evolution marché

Source :  Ecozept d’après BÖLW et AMI

Part de marché bio / marché alimentaire

2023 : 6 % (Statista)

Communication / publicités pour le bio en grande distribution

Source. AMI

Source Statistisches Bundesamt, BÖLW

Champagne Bio un succès qui s’exporte

8 % de surfaces en bio. Une stagnation en 2023 mais un doublement attendu dans les 3 ans. Si 22 % des vignes françaises sont en bio, en revanche les vignobles de vins de champagne sont bio pour 8 % des surfaces soit 2 600 hectares et 649 productrices et producteurs. 43 % de ces surfaces sont déjà certifiées, tandis que 57 % sont en conversion, la transition est donc en cours.

Les surfaces en vignes certifiées bio ont quasiment triplé entre le millésime 2016 et 2022 (+727 ha). On observe également un pic d’entrée en conversion en 2020 avec 704 nouveaux hectares. Depuis 2021 les surfaces totales en bio (certifiées et en conversion) stagnent autour de 2 700 ha. Les surfaces en vigne certifiées
bio devraient plus que doubler au cours des trois prochaines années.

Le champagne biologique

 La filière compte 649 viticulteurs en bio. Le nombre de viticulteurs biologiques a connu  une forte croissance entre 2019 et 2021, passant de 261 à 600 (+339 en 2 ans).

L’évolution est plus modérée sur les dernières années (+25 domaines en 2023).

Le Champagne bio est  fortement commercialisé sur les marchés export où sont réalisées 62% des ventes en valeur tout particulièrement vers les États-Unis, le Japon et l’Italie. Une balance commerciale
excédentaire pour ce produit  d’exception puisque le champagne bio est une AOP dont l’aire de production se situe uniquement en France.

AIRE DE PRODUCTION DU CHAMPAGNE

 © Comité Champagne 

Le vignoble champenois occupe un large territoire au nord-est du Bassin parisien sur les départements de l’Aisne, la Marne et l’Aube ainsi que sur quelques communes de Seine-et Marne et de Haute-Marne.
La plus grande partie du vignoble se concentre dans le département de la Marne (70 %), le reste pour 20 % dans l’Aube, la Haute Marne, et pour 10 % dans les départements de l’Aisne et de Seine-et-Marne.

Le saviez-vous ?

Champagne bio, sous deux signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO).

Le champagne bio est garanti par deux signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) que sont l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) et l’Agriculture Biologique.

  1. Le premier garantit l’origine de ce vin effervescent produit dans une aire géographique très précise et selon un savoir-faire
    reconnu.
  2. Le second un mode de production agricole et agroalimentaire qui exclut la chimie synthétique la catégorie des herbicides est totalement proscrite, les viticulteurs ne peuvent utiliser aucun pesticide ou fongicide synthétique, les additifs en vinification sont limités, les OGM sont exclus. Ces deux SIQO sont régis par des cahiers des charges européens distincts, mais complémentaires, et font l’objet de contrôles stricts à chaque stade par un organisme indépendant.

100% de raisins bio ne suffisent pas, le champagne bio se joue aussi dans le chai

Pour qu’un champagne soit certifié bio il faut non seulement 100 % de raisins cultivés en agriculture biologique mais aussi respecter des règles strictes de vinification bio. Ces règles de vinification bio interdisent certains procédés physiques de traitements des vins et autorisent uniquement une liste restreinte
d’additifs et auxiliaires d’origine naturelle.

« Save water, drink (organic) champagne!* »

La célèbre plaisanterie déclinée commercialement en t-shirts et autres goodies
pourrait s’avérer exacte si on précise « champagne bio » (ou organic).

Pourquoi l’Agence de l’Eau Seine Normandie accompagne t-elle la structuration de la filière du champagne biologique depuis 2019 ?

Parce que chaque parcelle convertie en champagne bio améliore la qualité des eaux environnantes.
Il n’y a pas de fatalité à la pollution des nappes souterraines et des cours d’eau champenois : la prévention est clef pour protéger l’eau et plus de bio dans les vignobles y contribue grandement.

 Aujourd’hui dans les eaux de surface de la zone de production de l’AOC Champagne, au moins un pesticide
synthétique a été quantifié dans 100 % des stations de prélèvements étudiées. Les produits majoritairement
identifiés sont des herbicides et leurs métabolites (dimétachlore, bentazone, métazachlore, atrazine) et des
fongicides (boscalid) tous interdits en bio.

 Concernant les eaux souterraines : 100 % des stations suivies présentent au moins une substance quantifiée, et de 38 à 71 pesticides sont quantifiés dans 10 % d’entre elles. En conséquence, 23 % des captages d’alimentation en eau potable marnais sont touchés par les pollutions diffuses, et 15 % à l’échelle de la région sur le bassin Seine-Normandie.

Parmi les solutions : développer la viticulture bio en Champagne ! Pour encourager les cultures à bas niveau
d’intrants, notamment dans les zones de captage d’eau,l’Agence de l’Eau Seine Normandie soutient la production labellisée bio.

Sont déployés et financés également par l’Agence de l’Eau, pour les viticulteurs ou les collectivités : l’accompagnement technique des exploitants et des animations sur le territoire permettant de faire émerger des projets ; la mise en place d’infrastructures d’hydraulique douce pour limiter.

le transfert comme des haies ou des bandes enherbées ; des investissements en matériels permettant la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. Depuis 2019, le projet « structuration et développement de
la filière du Champagne Bio » a été retenu lors de l’appel à manifestation d’intérêt « Filières favorables à la ressource en eau » porté par la Région Grand Est et les Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, Rhin-Meuse et Seine Normandie. 

La première phase, s’échelonnant de 2019 à 2021, a largement atteint ses objectifs avec 357 nouvellesstructures engagées en agriculture biologique pour une surface de 1 610 ha de vignes converties. La seconde phase, allant de 2022 à 2024, cherche à accélérer le mouvement en développant les partenariats avec l’ensemble des acteurs de la filière. Aussi bien les acteurs agricoles comme Bio Grand Est, la Chambre d’Agriculture de la Marne, le Syndicat Général desVignerons, que les acteurs économiques tels que l’Association des Champagnes Bio
(ACB), l’Union Auboise, Terroirs et Vignerons (ex-union de coopératives Nicolas Feuillatte), ainsi que des distilleries comme Goyard et Bonvalet.

 
Les acteurs de l’eau comme la communauté d’Agglomération d’Epernay, la Communauté Urbaine du Grand Reims, l’Union des Syndicats d’eau du Sud de l’Aisne (USESA) ou encore le SDDEA de l’Aube sont bien sûr des partenaires clef. On le voit : un vaste ensemble d’acteurs ont compris l’intérêt de converger vers le bio, pour les bénéfices qu’il apporte notamment pour la protection de la ressource en eau. Espérons que pour renforcer et accélérer cette dynamique, de nombreux autres acteurs rejoindront le mouvement de conversion en bio des vignobles, car chaque parcelle convertie améliore la qualité  points d’eaux voisins.

ÉCONOMISEZ DE L’EAU, BUVEZ DU CHAMPAGNE (BIO) !*

Champagne, l’heure de la grande conversion a sonné

Côté pile, 8% des surfaces pour produire le Champagne sont bio contre 22% pour le reste des vignobles. Côté face, une pléiade de petites maisons (et certaines grosses) avant-gardistes qui se convertissent et convainquent de la faisabilité, au-delà de la nécessité, pour toutes les maisons de passer en bio.

« Nous ne sommes pas égaux face aux nécessaires changements à apporter à la viticulture : quand je pense à certains vignerons qui négocient leurs ventes à un euro le litre, je mesure combien il peut être complexe de passer en bio. Mais nous, les maisons champenoises, n’avons aucune excuse pour ne pas saisir nos responsabilités historiques ». C’est avec une force tranquille que Delphine Brulez, à la tête de la maison Louise Brison, évoque le défi à venir. Cette ingénieure agronome, 4eme génération à s’occuper des terres familiales, s’implique pour pouvoir les transmettre propres aux générations futures : « les changements sont si brutaux qu’on ne peut pas avoir l’assurance de continuer à produire le même vin pour toujours. Alors, il nous faut tout mettre en œuvre pour préserver nos terres et ça implique évidemment la bio ». Une évidence qui se décline pourtant lentement : alors que 22% de la viticulture française est passée en bio, cette part n’est que de 8% pour le champagne.

Selon le journaliste Pierre Guigui, directeur de la collection Le savoir boire[1], ce retard historique tient à la rudesse climatique de ces 17 territoires représentant un peu plus de 30 000 hectares : « En Champagne, il y a plus de maladies qu’ailleurs sur les vignes. On doit composer avec un climat moins clément pour la vigne. Il est plus difficile de faire du bio en champagne qu’en Provence par exemple et donc plus difficile de se passer de produits chimique de synthèse. Pour autant, dès qu’un champagne passe en bio, l’expérience se partage, il n’y a pas de fatalité à ce que cela reste ainsi ». Autre souci majeur pour l’accélération de la conversion, le grand éclatement des parcelles de vignes servant à élaborer les champagnes. Selon Aurélie Ringeval-Deluze, maître de conférences à l’Urca, le vignoble champenois est composé d’environ 279 000 parcelles d’une superficie moyenne de 12 ares. Ce grand morcellement rend très complexe la mise en œuvre des pratiques environnementales car il faut convaincre tout un écosystème de changer ses pratiques.

[1] https://www.editions-apogee.com/81-le-savoir-boire

Comme le confie Ludovic du Plessis qui a repris la maison familiale Telmont avec l’appui de trois actionnaires parmi lesquels Leonardo di Caprio, Sur les 25 hectares que nous possédons, nous sommes à 100% bio, mais pour les 75 hectares que nous achetons nous ne sommes qu’à 70% et il nous faut encore convaincre nos partenaires d’aller au 100% et ça prend du temps ». Et encore ce dernier possède-t-il un quart de ces vignes, mais une grande partie n’est pas propriétaire de 10% et achète parfois des vignes à plusieurs dizaines de personnes différentes, autant à convaincre…

Une des autres raisons pouvant expliquer l’absence de mouvement de masse vers le bio est que nombre de grands groupes derrière les maisons de champagne (Moêt-Hennessy, Pernod Ricard) ont choisi la stratégie de l’ « agriculture régénérative » pour montrer leur engagement environnemental. Pour Ludovic du Plessis, la flûte n’est qu’à moitié pleine si on ne va pas en bio : « chez Telmont on dit que l’agriculture régénérative  c’est très bien, mais ça ne constitue que la première étape. Il faut le bio pour plus de biodiversité sinon n’est qu’à la moitié du chemin. Et quand on est bio, on met le label, point. Pour montrer, pour expliquer car il y a encore trop d’incompréhension sur le travail. Le bio, c’est un goût très vivant, qui vient de la grande vitalité des sols. Et je crois que ça, c’est le futur du champagne. La question n’est pas de savoir si les autres vont y venir, mais quand. Un jour, tous les champagnes seront bio ». 

Cette grande conversion au bio des champagnes ne serait pas une anomalie, mais au contraire un retour à ce qui s’est produit la majorité de l’histoire de ces terroirs : nombre de grandes maisons de Champagne sont pluricentenaires et se sont constituées aux XVIIIe et XIXème siècle (voire au XVIIe pour le célèbre Dom Pérignon) et furent cultivées en bio pendant des siècles contre quelques décennies seulement avec les adjuvants de la chimie de synthèse.

 

 Revenir aux origines n’a donc rien d’une chimère. Pour Jean-Baptiste Lecaillon, chef de caves des champagnes Roederer, cette quête doit se mener au nom d’un triptyque environnement, patrimoine territorial et goût : « tout est imbriqué. Le bio est évidemment meilleur pour la santé des sols et de l’eau, mais ce qu’il faut bien comprendre c’est que notre patrimoine, ce sont nos parcelles. Nous nous imposons un mode de culture cohérent qui préserve notre patrimoine sur le très long terme. 

Et ce faisant, nous évitons une certaine unicité de goût liée à la fertilisation des sols. Avec le bio nous retrouvons un vin de lieu qui a un goût puissant, solide et unique ».

Si le bio donne un goût unique, cela serait d’autant plus heureux qu’avec 3,7% des terres agricoles, la viticulture consomme 20% des pesticides de synthèse épandus en France[1]… Comme l’indique l’Agence de l’eau Seine Normandie, 100% des cours d’eaux sont contaminés et cela peut être prévenu avec le passage en bio. D’où l’intérêt de transitionner au plus vite et à faire savoir que le bio est prêt, au point techniquement.

Pour Pierre Guigui, les stéréotypes d’un manque de sérieux du bio ont existé fortement en champagne mais n’ont plus cours depuis des années : « les premières fois que j’ai organisé des dégustations de champagne bio, dans les années 90, je les faisais à l’aveugle et ne révélais qu’à la fin. On montrait la VHS (une cassette vidéo) pour expliquer la démarche après dégustation et les gens étaient souvent incrédules ne pouvant associer une telle qualité avec ce qu’ils voyaient comme un truc de babas cool ! Mais l’image a changé, aujourd’hui les producteurs de bio ne sont plus vus comme des gentils inconscients, mais des techniciens crédibles. Ce handicap d’image a disparu en France comme auprès des acheteurs internationaux ». Car le Champagne est un des produits phares de l’export français, ayant généré 4,2 milliards d’euros en 2023, avec un fort tropisme pour le Royaume-Uni et les États-Unis, mais également de nouveaux marchés pour lesquels le bio est un incontournable. Delphine Brulez avance fièrement son label AB/ Eurofeuille à l’export : « les pays scandinaves et dans une moindre mesure les Pays Bas, sont très sensibles au bio. Ajoutez à cela que dans certains pays comme en Suède, vous avez des monopoles de vente et devenir référencé vous ouvre alors des perspectives commerciales très importantes ».

Reste bien évidemment la peur la plus souvent brandie par les détracteurs du bio, la chute de la productivité. Sur le sujet, le recul de quinze ans de Roederer en fait un témoin idéal et ô surprise, la baisse de production est assez marginale, de l’ordre de 5%. Pour Jean-Baptiste Lecaillon « il faut du recul. Sur les plus mauvaises années, on peut connaître un recul de 30%, quand on a une floraison et un printemps humides. 

Mais en 2023, par exemple, grâce à une vigne plus équilibrée, nous avions 10% de rendements supérieurs en bio qu’en conventionnel. Et sur le long terme, nous voyons que la baisse n’est pas très importante et seule compte le long terme ». Ainsi parle avec sagesse celui qui gère les caves d’une maison vieille de sept générations, qui a racheté des maisons comme Deutz pour la passer en bio. Ils sont suivis dans cette veine par d’autres maisons familiales comme Bollinger qui ont annoncé leur conversion. Une grande cohérence dans cette vision d’une économie patrimoniale s’opposant à une économie financiarisée dont le court-termisme ne cadre pas avec les échéances des sols. On peut citer à ce sujet le cas de Lefèvre Beuzart dont les 4 hectares ont obtenu leur première certification bio en 2023 et nombre d’autres désireux d’obtenir leur certification.

Pour finir, la conversion va sonner car celles et ceux qui travaillent sur ces terres veulent du bio. Chez Telmont, plusieurs centaines de CV affluent à chaque ouverture de poste, un enthousiasme que confirme Delphine Brulez : « dans mes études, on ne m’a pas parlé du bio, mais aujourd’hui ça bouge et dans les Instituts techniques comme les formations le sujet est présent. On veut toutes les infos sur les provenances, le bio sécurise les consommateurs et les travailleurs, c’est un atout évident ». Mieux encore, chez Roederer on cultivait en bio depuis près de quinze ans sans être certifiés et ce sont les jeunes qui l’ont exigé comme le rappelle Jean-Baptiste Lecaillon : « à l’issue d’un discours aux équipes fin 2017, ils m’ont demandé à être audités ! Ils voulaient le label, ils voulaient prouver ce qu’ils mettent en œuvre au quotidien, ils voulaient montrer leur engagement et en rajouter : plus de biodiversité, plus de terroir, plus d’hectares en bio, leurs attentes étaient extrêmement fortes alors nous leur avons donné la main sur l’artisanat de nos vignes ». Le futur du champagne sera donc bio grâce aux et avec le soutien des générations futures.

 

Pour votre santé comme celle de la planète, mangez bio : c’est la science qui le dit !

C’est un grand chelem pour l’agriculture biologique ! Pour la santé des sols, la biodiversité, le climat et la santé humaine, manger bio change tout . En diminuant considérablement les externalités négatives (comme les émissions de gaz à effet de serre ou la pollution des cours d’eau) et en augmentant fortement les externalités positives (comme la biodiversité animale et végétale), l’agriculture biologique est toute indiquée pour adapter notre monde aux effets du changement climatique. Voilà les conclusions d’une nouvelle enquête de l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologique (ITAB). Décryptage. 

La pédagogie c’est la répétition. Après une première étude de 2016, celle de 2024 menée par l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologique (ITAB) enfonce le clou et ne laisse aucune place au doute : le bio est incontestablement la meilleure manière de produire pour la santé planétaire comme humaine.

D’abord, en ce qui concerne les sols, rappelons que 80 à 98% des sols sont contaminés par des résidus de produits phytopharmaceutiques (PPP) et leurs métabolites. Or, parce qu’elle limite considérablement le recours aux PPP, la bio a une action bien moins dégradante pour les sols, « de l’ordre de 70 à 90% des teneurs en résidus de pesticides en moins ». En outre, alors que la qualité des eaux souterraines se dégrade fortement (lire à ce propos notre article sur les conclusions de l’Agence de l’Eau Seine Normandie), on peut lire cette bonne nouvelle : « l’agriculture biologique employant peu les PPP contribue de facto beaucoup moins à la pollution de l’eau par leur entremise ».  

Tout ceci concourt à des effets très positifs, le plus saillant étant que « les indicateurs de la biologie des sols sont améliorés dans 70% des cas par rapport aux autres cultures ». Avec, dans le détail, « une amélioration de la porosité et de la prospection racinaire du sol », « une disponibilité de l’eau pour les plantes généralement améliorée » avec comme finalité très souhaitable de « permettre de diminuer le risque d’érosion des sols ».

Dans un second temps, l’agriculture biologique a des effets très profitables et très prometteurs pour le retour de la biodiversité. Une urgence vitale quand on sait qu’entre 1970 et 2018, « 69% de l’abondance relative des populations d’espèces sauvages auraient été perdus » (Almond et Al. 2022). Là encore, un déclin dans lequel les PPP jouent un rôle majeur. Grâce à son utilisation infiniment moins grande de PPP, on retrouve sur les parcelles cultivées en bio « une abondance et une richesse spécifique respectivement supérieures de 32% et 23% ». Autre bon point souligné par l’étude ITAB, « les rotations plus longues et plus diversifiées en AB contribuent à l’amélioration de la biodiversité associée pour les cultures en rotation ». On peut également retenir que les habitats à proximité de parcelles conduites en bio sont de meilleure qualité. Enfin, et c’est crucial pour notre futur, la bio est plus efficiente pour la préservation de nos écosystèmes ce qui s’observe grâce à des niveaux de pollinisation et de régulation supérieurs aux parcelles conduites d’une autre manière.  

 

Troisième point et des plus cruciaux, l’atténuation du changement climatique. L’enseignement principal de l’étude est très clair : « les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont systématiquement inférieures en AB ». Si cela est vrai pour l’ensemble des productions, il y a de fortes disparités selon les familles. Le bio est nettement plus sobre sur les végétaux, l’empreinte n’est que légèrement meilleure sur les bovins viande, équivalente dans le cas des bovins lait et même moins bonne en monogastrique. Les auteurs rappellent que pour tenir les objectifs de transition écologique dans l’agriculture, il faut aller vers de mode de production moins intensifs, ce qui implique de réussir de concert la transition alimentaire. 

 En effet, le Haut Conseil pour le climat évoque en 2024 que pour réussir à diminuer les GES de 50% il faut diminuer la consommation de protéines animales d’au moins 30% tout en diminuant la part d’azote minéral apporté aux cultures d’au moins 40% et miser sur un développement de l’agrécologie et du bio pour 50% de la surface agricole utilisée. 

Troisième point et des plus cruciaux, l’atténuation du changement climatique. L’enseignement principal de l’étude est très clair : « les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont systématiquement inférieures en AB ». Si cela est vrai pour l’ensemble des productions, il y a de fortes disparités selon les familles. Le bio est nettement plus sobre sur les végétaux, l’empreinte n’est que légèrement meilleure sur les bovins viande, équivalente dans le cas des bovins lait et même moins bonne en monogastrique. Les auteurs rappellent que pour tenir les objectifs de transition écologique dans l’agriculture, il faut aller vers des modes de production moins intensifs, ce qui implique de réussir de concert la transition alimentaire. 

En effet, le Haut Conseil pour le climat évoque en 2024 que, pour réussir à diminuer les GES de 50% il faut diminuer la consommation de protéines animales d’au moins 30%, tout en faisant diminuer également la part d’azote minéral apporté aux cultures d’au moins 40% et enfin, miser sur un développement de l’agroécologie et du bio pour 50% de la surface agricole utilisée. 

À quoi ressemblerait la transition alimentaire ?

Impossible, aujourd’hui, de conjuguer la transition alimentaire à l’indicatif tant nous n’en prenons pas le chemin. Un drame, car nous aurions tellement à y gagner, climatiquement, pour la biodiversité, la ressource en eau, pour notre autonomie alimentaire ou encore en termes d’emplois… Autant de progrès potentiels que décryptent pour nous Xavier Poux, membre du bureau d’études pour la gestion de l’environnement AScA et auteur du livre Demain, une Europe agroécologique[1].

[1] Avec Pierre-Marie Aubert et Marielle Court, Actes Sud 2021  

Depuis le Covid, le terme de transition a explosé : écologique, énergétique, de la mobilité… Le dérèglement climatique nous impose de changer nos pratiques et ce qu’il convient de faire est parfois très clair – dans le cadre énergétique, sortir des énergies fossiles pour aller vers des énergies renouvelables – parfois plus flou comme dans le cas de la transition alimentaire.

Pour Xavier Poux « ce qui devient clair c’est que notre alimentation a un impact sur l’environnement et le climat. La relation de causalité est établie auprès du grand public. Ce qui est beaucoup plus flou, c’est vers quoi il faut tendre et pourquoi il faut changer. On entend majoritairement nous devons manger moins de viande, notamment moins de viande de ruminants. Et par conséquent, plus de végétal, voire plus d’insectes, le tout pour remplacer les produits animaux. Il y a du vrai dans cette vision, mais il faut aussi se méfier des généralisations simplistes ». Voyons avec lui dans le détail les gains qu’on pourrait escompter de cette transition.

Pourquoi moins de viande industrielle ?  

D’abord, pour nous redonner les marges de manœuvre de production, sortir de la course en avant au productivisme qui ne profite ni aux agriculteurs, ni aux consommateurs : « nous n’en avons pas conscience, mais les deux-tiers des terres arables en Europe sont consacrées à produire des céréales intensives qui servent de nourriture aux animaux industriels. Réduire notre consommation de viande, et de lait, bien qu’on en parle moins, c’est permettre des cultures qui ne courent pas après le productivisme et son cortège d’engrais, de pesticides et d’irrigation ». Alors, la solution magique serait-elle d’éradiquer tout l’élevage animal ? « Non, tout est question d’équilibre ! Y compris par rapport aux gaz à effet de serre : les vaches et les autres herbivores émettent du méthane, mais ils jouent un rôle essentiel pour la biodiversité, le paysage et les fertilisants naturels. La priorité, c’est de sortir de l’élevage industriel et d’assurer une transition vers l’élevage agroécologique, dans lequel les ruminants ont toute leur place sans pour autant nuire au réchauffement tant que leur nombre ne s’accroît pas et que leur fumier est pleinement valorisé. Une agriculture 100% sans élevage crée aussi beaucoup de problèmes écologiques. Si on veut se passer des engrais de synthèse très coûteux en énergie, il faut que nous diversifions notre production avec plus de légumineuses que nous consommons directement (pois chiches, lentilles,…), mais également des fourrages pour animaux, et notamment le trèfle et luzerne. Ce sont ces fourrages qui apportent, et de loin, le plus d’engrais naturels dont on a besoin. ‘Moins mais mieux d’élevage’ est la formule qui résume la vision agroécologique.  ».  

Mais si on produit beaucoup moins, pourra-t-on toujours nourrir la planète ?  

C’est le chiffon rouge souvent agité par les tenants du modèle agricole productiviste actuel : les alternatives, qu’elles soient bio ou en agroécologie n’auraient pas les rendements nécessaires pour nourrir huit milliards d’humains et mèneraient inexorablement au retour des famines de masse. Une chimère pour notre expert : « j’ai récemment participé à un article démontrant l’inverse[1]. Encore une fois, à cause de l’hypertrophie qu’occupe la production de protéines animales. Non seulement nous consacrons les deux-tiers de nos terres agricoles à des céréales pour nourrir les animaux, mais en plus de cela, nous importons massivement du soja de sorte que l’Europe produit 90% seulement de ses besoins en production végétale ! Contrairement aux idées reçues, nous sommes déficitaires. En réalité, l’Europe ne nourrit pas le monde, c’est le monde qui nourrit l’Europe et ses animaux en batterie, notamment le Brésil et l’Argentine. Nos travaux montrent que même une baisse de la production de l’ordre de 30% n’affecterait pas la sécurité alimentaire, si nous adoptons les changements de comportements alimentaires nécessaires. En outre, nous relâcherions la pression sur le reste du monde, qui n’aurait plus à produire « notre » soja.». 

L’actualité nous rappelle les dramatiques problèmes de sécheresse et la responsabilité du monde agricole en la matière. La transition alimentaire s’attaque-t-elle à cet enjeu crucial ?

Ne tombons pas dans les surpromesses : face à l’ampleur du dérèglement climatique, un changement de modèle agricole seul ne va pas arrêter les sécheresses, mais il réduira considérablement la pression sur l’eau. D’abord, car aujourd’hui l’eau est utilisée principalement pour du maïs qui nourrit les animaux, aussi la transition diminuant la consommation de viande et de lait diminuera mécaniquement la consommation d’eau. Ensuite, car la transition passe par des systèmes d’élevages polyvalents qui sont beaucoup moins gourmands en eau et comptent sur des paysages beaucoup plus adaptables. Vous pouvez ainsi avoir des prairies « paillasson » l’été qui repartent à l’automne. Là encore, ceci demande beaucoup moins d’eau que des maïs arrosés pour qui un accident de parcours est fatal… et qui coûtent cher à produire ».

Cette transition va modifier les exploitations, de leur apparence jusqu’aux personnes qui les gèrent : quelles conséquences sur les paysages et l’emploi ?

« Notre agriculture actuelle avec des exploitations de plus en plus grandes ne permettent pas l’épanouissement de la biodiversité naturelle. A contrario, avec des  haies et des prairies vous créez des micro-climats et réactivez des paysages fertiles.  En outre, face à tous les ruissellements et inondations qui se multiplient avec le dérèglement climatique, les formes les plus résilientes sont les bocages, les prairies et les zones humides qui retiennent l’eau dans les sols et les nappes. On retrouve la bonne gestion de l’eau. Ceci n’a rien d’un luxe de paysagiste écolo ou de lubie bobo. Au contraire, voyez ce qui se passe dans le pays de Caux : la destruction de ces paysages crée de l’érosion, les rivières se vident et les nappes phréatiques ne se remplissent pas. Ça n’est, à l’évidence pas tenable ».

« Concernant l’emploi, commençons par une lecture historique : depuis 70 ans, produire plus n’a pas eu d’impact positif sur l’emploi agricole. Et c’est une litote… Au contraire, quand on a organisé la production, avec des quotas (le précédent historique des quotas laitiers face à la surproduction montre de biens meilleurs résultats que l’absence de régulation) et des assurances concernant la distribution, on a des résultats très positifs sur l’emploi précisément en contraignant la production. La mécanisation moindre et l’absence de pesticides de synthèses impliquent un besoin plus grand en main d’œuvre. Il reste à produire au prix juste pour permettre aux agriculteurs d’en vivre dignement ».

Cerise sans glyphosate sur le gâteau, tout ce que vous prônez est garanti sans pesticides ?

« Il faut comprendre pourquoi nous devons sortir des pesticides et des engrais de synthèse. Pour les pesticides, tous les rapports scientifiques sont clairs quant à leur impact sur la biodiversité et la santé. L’impact des engrais de synthèse est moins médiatique, mais tout aussi alarmant. Quand vous utilisez ces derniers, vous émettez du protoxyde d’azote qui dégage un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2 et qui dure très longtemps. L’impact est comparable au méthane, mais beaucoup plus durable (dans le mauvais sens du terme). De plus, pour produire 1 kg de ces engrais, il faut l’équivalent d’1Kg de pétrole. D’où le fait qu’au début de la guerre en Ukraine, les prix ont flambé par peur de pénurie. Si on résume, ces engrais sont une catastrophe climatique, nous maintiennent en état de dépendance géopolitique et en plus, ils saccagent la vie des sols et des océans. En sortant de l’obsession court termiste du rendement, on fait revivre la biodiversité dans les sols. Sortir des pesticides et des engrais de synthèse, c’est une nécessité vitale pour toutes ces raisons. À court terme, en Europe, ça veut dire produire moins en volume, il ne faut pas se mentir. Mais l’alternative productiviste conduit à un risque d’effondrement où l’on perd tout ».

Alors, cette transition, on y va ?

« J’aimerais vous dire oui, mais je veux être clair : il y a pour l’heure un décalage croissant entre des injonctions à aller vers le bio et l’agriculture propre et une réalité dans laquelle les exploitations sont encore plus grandes, plus intensives, plus pleines d’engrais de synthèse. Nous sommes au bout d’un cycle économique où les choix politiques et financiers ont poussé l’immobilier et des biens de consommation et trop ‘tiré’ sur l’alimentation, à laquelle nous ne consacrons plus assez. Il faut retrouver plus de justice et nous ne ferons pas la transition sans payer plus pour bien manger, en sortant de la vision dans laquelle l’alimentation est la variable d’ajustement économique pour les moins favorisés ».  [1] 

L’alimentation saine est le sujet de Carole Galissant depuis l’enfance

L’alimentation saine est le sujet de Carole Galissant depuis l’enfance, elle a longtemps cherché le moyen d’avoir le plus d’impact possible pour transmettre sa passion. Persuadée que seule on va moins loin, elle conjugue sa carrière au collectif, tant dans ses engagements syndicaux au SNRC (syndicat national de la restauration collective) que chez Sodexo où l’intitulé de son poste lui-même est tout un programme : directrice transition alimentaire et nutrition.

Après avoir hésité entre le monde de l’enseignement et le monde de la nutrition, la prévention Santé par le biais de l’alimentation saine et durable devient une évidence pour Carole. « Faire prendre conscience à tous qu’une bonne santé passe par l’assiette, et ce, à tout âge. »

Débute alors sa découverte du monde de la restauration collective, à Villepinte. Portée par la volonté de la ville et avec le soutien de l’Education Nationale, elle initie les enfants de maternelles et de primaires aux enjeux d’une alimentation équilibrée. Durant 10 ans, en les voyant régulièrement plusieurs fois par an et en créant leurs repas, elle affine ses connaissances sur les attentes nutritionnelles des enfants : « Ma rencontre avec Nathalie Politzer, Jacques Puisaye et Patrick Mc Leod, fondateurs de l’Institut du goût a changé ma vision de l’alimentation du jeune enfant. A leurs contacts j’ai appris à penser le temps du repas autrement. Après leurs enseignements, ce n’étaient plus les mêmes menus ni les mêmes recettes que je concevais : pour un enfant de trois ans, il faut faire attention à la couleur, à la texture et à ne pas avoir d’aliment non identifiable pour éviter toute forme de néophobie. Grâce à eux mon credo est devenu : la gourmandise changera peut-être le monde ».   

La constance est depuis le maître mot de Carole : 29 années de présence en restauration collective et déjà plus de 10 ans d’engagement syndical au sein du SNRC. Dans les deux cas, une même envie de changer les choses de l’intérieur, mais aussi pour l’extérieur :« je voulais faire bouger les lois, protéger les femmes et les hommes œuvrant au quotidien pour bien faire manger nos divers consommateurs et qui pâtissent de l’image négative de leurs métiers. Pour moi, c’est une bouffée d’oxygène avec une approche très holistique. Par ailleurs, même si j’exerce dans une entreprise, il me semble que les sujets sur lesquels nous travaillons, ne doivent pas, ne peuvent pas être soumis aux règles concurrentielles : la qualité de la nourriture, la lutte contre le gaspillage relèvent de l’intérêt général, pas de la concurrence ».

Désormais directrice transition alimentaire et nutrition et grâce aux engagements de Sodexo dans l’alimentation durable, Carole Galissant inscrit son action dans le temps long.

« Les grandes entreprises ne doivent pas traiter le bio au coup par coup, de manière opportuniste : il faut une stratégie pluriannuelle. Cela commence par sécuriser les revenus des agriculteurs qui s’engagent : nous avons signé des contrats tripartites et pluriannuels avec des producteurs et des distributeurs. Chaque année, on revoit le tonnage et ils peuvent se projeter sereinement, cela nous oblige. Je pense par exemple en Ile-de-France aux lentilles ou encore à la semoule bio en partant du blé dur »

 Le bio n’est pas une tocade, mais un axe d’une stratégie durable, avec certains produits stars comme les laitages, les pommes…Et cela mérite, tout comme le plan protéines, un plan pluriannuel sur cinq axes : les produits, les recettes, les menus, la promotion et la formation. C’est le chemin pour respecter EGALIM : si la restauration d’entreprise et les établissements de santé ont une grande marge de progression , les 20% de bio sont atteints dans le scolaire. Cela pourrait être encore amélioré par le bon choix des produits et par un grammage adapté aux types de consommateurs.

 « La restauration collective est souvent l’occasion de découvrir un panel d’aliments oubliés ou méconnus comme un potimarron, un panais, un salsifis et aussi les légumineuses … Cela permet d’aider à élargir nos productions, de ne pas faire reposer notre autonomie alimentaire sur quelques plantes ».

Carole Galissant reste persuadée que les entreprises ont un rôle fondamental à jouer dans la transition alimentaire : « Nous devons parvenir à un rééquilibrage de notre consommation en protéines : 50 % protéine végétale et 50 % protéine animale comme le préconisent les recommandations nutritionnelles nationales.  Notre action au quotidien peut avoir un impact fort car nous touchons des milliers de mangeurs par jour. Notre stratégie bas carbone va nous obliger à concevoir autrement nos prestations alimentaires : sélectionner des produits les moins impactant pour l’environnement, concevoir des menus plus sobres en consommation d’eau et en énergie pour être en cohérence avec les enjeux environnementaux ». A chacun selon ses responsabilités, en somme. Si l’éducation du citoyen est primordiale, elle pense que cela ne peut suffire :« bien sûr l’éducation alimentaire doit débuter dès le plus jeune âge et être poursuivie tout au long de la vie :  goûtons, allons au marché, allons à la rencontre des agriculteurs, cuisinons. C’est essentiel, mais penser que cela suffirait est faux.

L’action doit être collective : nous aussi entreprises devons mettre nos consommateurs au centre d’une offre alimentaire plus vertueuse et plus propre»

 

Le BIO local mis à l’honneur à la table présidentielle de l’Elysée, avec le soutien de l’Agence BIO

À l’occasion de la journée mondiale de la biodiversité et du lancement de la 25ème édition du Printemps Bio ce mercredi 22 mai, l’Agence BIO se félicite que pour la première fois, un repas 100% bio et origine France soit servi à l’Élysée.

De la fourche à la fourchette, les produits locaux, bio et de saison servis font la preuve du mariage d’une association réussie entre le bien-manger et la transition écologique.

Merci aux producteurs bio et locaux qui ont joué le jeu au menu : du pain BIO, des asperges blanches, de la volaille BIO, du fromage, des fraises… un repas gourmand et de saison pour les 400 collaborateurs du Mess de l’Elysée.